Sébastien Lecornu est arrivé en Guadeloupe après avoir proposé de discuter d’une possible « autonomie » de l’archipel.
Les Guadeloupéens avaient rejeté à 79% la proposition d’une assemblée territoriale unique
Constatons d’abord que personne n’avait vu venir cette proposition d’autonomie. Le gouvernement ne l’avait jamais évoquée et les Guadeloupéens, y compris les leaders indépendantistes, ne la réclamaient pas. D’autant moins qu’en 2003, les électeurs guadeloupéens avaient rejeté à 79% la proposition d’une assemblée territoriale unique qui était un premier pas vers l’autonomie. C’est dire si cette proposition sent l’improvisation. A moins qu’elle vise à faire diversion. Elle est en tout cas surprenante. Un chantier institutionnel, n’est certes pas tabou, pour parler comme Sébastien Lecornu. Il n’est pas absurde de se demander si des territoires aussi spécifiques que des communautés ultramarines ne gagneraient pas à bénéficier de règles de fonctionnement et de compétences, elles aussi spécifiques. Après tout c’est le cas en Corse ou en Polynésie.
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Ce sont des réflexions qui méritent d’être menées à froid, pas d’être lâchées au beau milieu d’une poussée de violences et de contestation sanitaire ou sociale. Cela ne sous-entend pas que la France pourrait vouloir lâcher la Guadeloupe. Au contraire même, ce peut être un moyen de préserver des liens. Le ministre des Outre-mer a raison de rappeler que l’autonomie n’est pas l’indépendance. C’est justement un signe de volonté de travailler au sein de la République française.
Le report de l’obligation vaccinale : une marque de faiblesse du gouvernement dans cette crise ?
Il y a tout de même un signal. Et un signal qui ne se manie pas à la légère. Surtout à quinze jours d’un référendum en Nouvelle-Calédonie sur l’indépendance. Ce référendum se déroule dans un climat très fébrile. Au moment où il faut convaincre la population calédonienne de ne pas couper les ponts avec la France, qui sait si cette ouverture en Guadeloupe sur l’autonomie ne risque pas d’être utilisée par ceux qui font en Nouvelle-Calédonie, campagne pour l’indépendance.
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D’autres garanties ont été données, notamment sur le report de l’obligation vaccinale. On ne sait pas si cela peut faire baisser la tension en Guadeloupe. Mais cette concession-là est révélatrice de la faiblesse du gouvernement dans cette crise. Il y a quelques jours, il expliquait qu’il ne dérogerait pas à l’obligation des soignants et des pompiers, au nom du sérieux de la crise sanitaire et de sa gravité particulière aux Antilles. Alors bien sûr, l’exécutif dit ne pas céder sur le principe. Mais reporter la mise en œuvre au 31 décembre, dans le contexte actuel, lever les suspensions ou les retenues de salaires qui s’appliquent pourtant partout en métropole, revient à faire une concession majeure, une concession humiliante et qui de surcroît ne semble pas faire céder les soignants ou les pompiers qui refusent la vaccination. C’est hélas un classique des crises sociales. Par une concession, un gouvernement espère sauver l’essentiel. Il ne fait souvent que rendre inévitable un recul plus général à terme.
Guillaume Tabard