Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique était l’invité de Renaud Blanc dans la matinale de Radio Classique. Au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron, marquée par une forte abstention et des protestations, il déplore un affaiblissement de la culture démocratique.
Emmanuel Macron ne doit pas être « aveuglé par cette réélection »
S’il y avait un chiffre à retenir de ce Second tour de la présidentielle, selon Dominique Reynié, ce serait les 60% d’électeurs qui ont voté pour Marine Le Pen, se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul. « C’est un record dans notre histoire électorale », pointe le politologue, rappelant que le précédent record, de 54%, datait de 2017 : « c’est une progression très significative qui témoigne de la recomposition politique en France ». Il évoque les figures nouvelles des familles politiques réagencées et qui tentent de saper les fondations de la Vème République. Dans ce contexte, Dominique Reynié reconnaît qu’une réélection « est toujours un moment d’éclat », mais il appelle à ne pas oublier la forte protestation électorale en France. « Ce sera un nouvel exploit de gouverner pendant les 5 années qui viennent », juge-t-il, estimant qu’« il ne faut pas être aveuglé par cette réélection ». Selon lui, Emmanuel Macron a ces éléments en tête, comme il l’a prouvé lors de son discours : « il a explicitement indiqué qu’il était bien conscient que de nombreux électeurs avaient voté pour lui, non pour soutenir ses idées, mais pour ne pas avoir Marine Le Pen comme présidente ».
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Dominique Reynié : « Emmanuel Macron n’est pas l’acteur du bouleversement qui le porte »
Dominique Reynié émet aussi l’hypothèse que la poussée de l’abstention vient aussi des électeurs qui n’ont pas voulu aller jusqu’à voter pour l’extrême-droite, qu’il qualifie de « protestataire dormants, qui à la première occasion vont se manifester si le président n’est pas en mesure d’établir le contact avec eux ». Un président réélu dont on a le sentiment qu’il ne sait pas s’il sera plutôt à droite ou plutôt à gauche, souligne Renaud Blanc. Une analyse partagée par le politologue et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique : « mon sentiment est qu’Emmanuel Macron n’est pas l’acteur du bouleversement qui le porte, il est comme un surfeur qui parvient à tenir la vague, mais qui n’est pas à l’origine de la vague et ne sait pas très bien, ni quelle est sa force, ni sa durée, ni de quoi elle est faite ». Il assure que le chef de l’Etat ne sait pas exactement où va la société française, « qui se défait en ce moment de manière très manifeste ».
Béatrice Mouedine