Intéressons nous ce matin au jeu auquel s’adonnent Emmanuel Macron et Xavier Bertrand depuis quelques jours. Alors que le président était en déplacement dans les Hauts-de-France ils se sont affrontés à deux reprises.
En allant sur son terrain, Emmanuel Macron donne un coup de main à Xavier Bertrand
C’est tout de même étonnant ces mises en scène. Vendredi dernier, lundi 22, dans la Somme, dans l’Aisne. L’accueil républicain à la pesée des boxeurs avant un match, vous savez ce moment où ils se toisent et s’invectivent pour se motiver avant le combat, les yeux rivés dans ceux de l’autre. La poignée de mains crispée, interminable. Les échanges houleux à fleurets plus ou moins mouchetés sur des sujets afférant à la région mais qui permettent en réalité aux deux hommes de commencer déjà à s’affronter.
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Mais ce qui est étrange c’est que Bertrand n’est pas du tout sûr d’être à la fin le candidat de la droite face à Macron. Il est, bien malgré lui, engagé dans le processus du congrès dont le résultat est très incertain. Dans cette compétition, l’un de ses arguments est de dire aux militants « je suis celui qui peut battre Macron, je suis celui qu’il craint le plus donc choisissez-moi ». Le moins qu’on puisse dire c’est qu’en allant ainsi sur les terres du nordiste, en se prêtant aux mises en scène de leur rivalité, Emmanuel Macron lui donne un sacré coup de main.
Emmanuel Macron choisit un adversaire qu’il juge plus difficile à vaincre que les autres
Pourquoi lui faire ce cadeau et l’installer ainsi comme principal opposant ? Primo, Xavier Bertrand ne cesse de cogner sur Macron alors le président a eu envie de lui répondre. Deuxio, c’est aussi un moyen de dire aux Français : des opposants il en existe plusieurs dignes d’intérêt et de « remettre Zemmour à sa juste place » comme me l’expliquait un conseiller du pouvoir. Tertio, et c’est lié, il faut remettre en cause la lecture communément admise selon laquelle Emmanuel Macron espère un match-retour face à l’extrême-droite, garantie de réélection.
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Le chef de l’Etat explique régulièrement, en privé, espérer, au contraire, gagner face à un candidat républicain. Emmanuel Macron choisit un adversaire qu’il juge plus difficile à vaincre que les autres. Il y a un peu d’orgueil, d’une part, la volonté de pouvoir dire qu’il a fait reculer l’extrême-droite pendant son quinquennat d’autre part. Mais il y a une autre raison qui relève de la nécessité. Depuis la réforme de 2008, la constitution interdit d’effectuer trois mandats consécutifs. Donc s’il est réélu, Macron le sera pour la dernière fois. Or le risque d’un second et dernier mandat, c’est l’immobilisme à l’Elysée pendant qu’une guerre de succession se joue à l’Assemblée et dans les ministères. Pour tenir sa majorité il aura besoin de toute la légitimité du suffrage universel. Beaucoup plus forte si elle est obtenue non pas contre les extrêmes mais pour son propre projet. Un second tour face à Bertrand c’est plus dur, plus incertain, mais cela paie mieux.
David Doukhan