Elisabeth Borne : De la forme mais peu de fond, son discours à l’Assemblée nationale déçoit

Jacques Witt/SIPA

Le discours de politique générale d’Elisabeth Borne n’a pas dissipé les doutes sur les futures actions du gouvernement. Si l’on peut saluer la forme de son élocution, les moyens et l’agenda afin de mener des réformes structurelles pour le pays restent flous.

Elisabeth Borne n’est pas effrayée par les turbulences économiques et politiques qu’elle va devoir traverser

Au lendemain du discours de politique générale de la Première ministre, il est temps de se demander si Elisabeth Borne a réussi son exercice. Sur la forme, on peut répondre par l’affirmatif. Bien sûr, Borne ne fait pas dans le lyrisme et dans les effets de manche, même si elle a fait une péroraison plutôt inspirée et très personnelle. Elle ne fait pas dans la raffarinade, elle n’a pas le second degré britannique d’un Edouard Philippe ou la faconde ensoleillée d’un Jean Castex. Elle est sérieuse et même austère. Mais justement, en étant elle-même et en ne cherchant pas à jouer un autre personnage, elle a affiché une vraie autorité. C’est une qualité, et cela n’allait pas de soi quand on entendait certains commentaires y compris parmi ses propres ministres. Pour le dire autrement, elle n’a pas froid aux yeux et ne semble pas effrayée à la perspective des turbulences économiques et politiques qu’elle va devoir traverser.

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D’ailleurs, le mot qui est revenu le plus souvent dans son discours, c’est le mot « ensemble ». Pourtant sa méthode pour obtenir des compromis reste floue. Que le gouvernement ait besoin de construire des « majorités de projet », comme a dit Elisabeth Borne, on le savait déjà. Elle l’a répété à l’envi mais dans son discours on restait dans l’incantation. Thème par thème, elle a cité nommément chacun des présidents de groupe d’opposition en disant à chaque fois : « comme nous en avons parlé ensemble » comme si elle se cherchait des alliés. Tous les présidents de groupe sauf 2, Marine Le Pen et la mélenchoniste Mathilde Panot. En effet, derrière l’appel à travailler tous ensemble, l’exécutif met toujours des barrières. Mais même avec les autres, il ne suffit pas de les citer pour que cela crée des accords, comme par un coût de baguette magique.

 

Après le flou de la campagne d’Emmanuel Macron, on attendait des mesures précises et un calendrier détaillé

De plus, et c’est la vraie déception de ce discours, la Première ministre n’a pas détaillé les projets sur lesquels elle peut aller chercher ces accords en question. Après le flou de la campagne d’Emmanuel Macron, on attendait qu’elle mette sur la table à la fois des mesures précises et un calendrier précis. En effet, pour construire un compromis, il faut quand même partir d’une offre claire même s’il faudra ensuite faire des concessions. Or, mis à part l’annonce de certaines lignes directrices, parfois courageuses, comme le rappel de la valeur du travail, le refus d’augmenter les impôts ou la nécessité de réformer les retraites, Borne n’a proposé ni réforme structurelle ni agenda pour financer l’ensemble et compenser les dépenses nouvelles égrenées au fil des sujets. Pourtant si tout cela n’est pas proposé et assumé en amont, on voit mal comment cela peut déboucher sur une action audacieuse après compromis.

Guillaume Tabard

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