Elections régionales : « L’abstention qui monte est une abstention de contestation » selon Pascal Perrineau

Pascal Perrineau était l’invité de la matinale de Dimitri Pavlenko ce mercredi 23 juin. Politologue et spécialiste de sociologie électorale, il a analysé le taux d’abstention record atteint en France lors des élections régionales et départementales.

Abstention record : « Le Rassemblement National a été touché plus que d’autres » selon Pascal Perrineau

Alors que les chiffres officiels de l’abstention ont été publiés, portant à 66,72% la proportion des Français n’ayant pas voté, un record pour une élection dans la Vème République, Pascal Perrineau dresse le tableau de cette abstention : « L’abstention qui monte n’est pas une abstention d’indifférence, cela serait une erreur de croire que les 2/3 des Français qui ne votent pas sont indifférents à la chose publique (…) C’est une abstention critique, une abstention de contestation (…) Une abstention qui exprime un ras-le-bol vis à vis de la politique telle qu’on en parle et telle qu’on la fait ». Selon le politologue, l’abstention a une couleur politique et touche plus certains partis que d’autres : « le Rassemblement National, particulièrement dans certaines régions, a été plus touché que d’autres, cela s’explique par le fait que l’électorat du RN est relativement jeune et populaire, or l’abstention touche beaucoup les jeunes et les catégories populaires (…) La participation reste chez certaines catégories à un niveau assez élevé, et atteint même parfois plus de 65% chez les plus de 65 ans, un électorat qui est favorable à la droite, c’est un des éléments parmi bien d’autres de la très bonne tenue de la droite dans ces élections ».

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Selon Pascal Perrineau, cette abstention s’explique par un malaise structurel et un malaise conjoncture, tous deux éloignant les français des urnes : « on connaît le malaise de long terme, depuis 30 ans l’abstention monte régulièrement à toutes les élections (…) le facteur plus conjoncturel nous fait dire que le monde d’après l’année de confinement que nous avons connue ne sera pas comme le monde d’avant sur le terrain politique (…) Les Français se sont repliés sur leurs espaces privés, sur la famille, sur les préoccupations qu’ils avaient pour les leurs (…) ils se sont confinés civiquement, politiquement, il y a eu un gel démocratique, et nous assistons actuellement à la lente et difficile sortie de ce gel démocratique (…) Il n’est pas évident que les Français reviennent aux urnes avec la même vigueur et le même niveau qu’ils pouvaient avoir avant l’épisode de la covid-19 ».

 

Pascal Perrineau : « Emmanuel Macron sait qu’il n’est plus un homme nouveau, c’est aussi l’homme d’un passé, d’un passif »

Pour tenter de remédier à l’abstention, le président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand a annoncé proposer sous peu des initiatives, des mesures qui ne seraient que techniques (vote par correspondance ou par internet, un vote étalé sur plusieurs jours, ou même le fait d’ouvrir certains droits aux votants …). Pascal Perrineau admet les doutes qu’il a sur l’efficacité de telles initiatives : « Je ne crois pas que cela soit comme ça que l’on incite les gens à aller voter, on ne répond pas à un problème politique aussi profond que l’abstention par des mesures techniques, surtout quand on voit les contestations interminables du processus par correspondance notamment aux Etats-Unis ». Le politologue affirme qu’il faut que le politique travaille sur l’offre qu’ils proposent aux Français : « Il faut placer la lutte contre l’abstention sur un autre terrain (…) Les Français se disent qu’on va vers l’affrontement Macron / Le Pen, or on n’en veut pas (…) espérons que ces régionales et départementales ouvrent de nouvelles perspectives aux Français et que l’offre politique envoie un message de renouvellement, et à ce moment là il y aura peut-être une remobilisation ».

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La majorité présidentielle se questionne sur la meilleure façon de gérer l’échec de ces élections régionales, entre faire profil bas ou accélérer la réforme des retraites pour créer un effet de repolitisation : « On repolitiserait certes mais le problème de la politisation en France c’est qu’elle est très souvent négative (…) une telle réforme des retraites en quelques mois serait une réforme paramétrique, de bas-niveau, pas à la hauteur des enjeux, donc je crois qu’il va falloir attendre la présidentielle pour repose cette question fondamentale » déclare Pascal Perrineau, qui comprend cependant la logique de l’exécutif s’il relance l’agenda des réformes : « Le président de la République veut redorer un peu son blason, il sait très bien qu’il n’est plus un homme nouveau, mais c’est aussi l’homme d’un passé, et peut-être même d’un passif, et il voudrait amener dans son escarcelle de candidat davantage de réformes que celles qu’il a actuellement ».

Rémi Monti

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