Emmanuel Pahud incarne l’idéal actuel de la flûte. Au sein du Philharmonique de Berlin, en musique de chambre ou en soliste, il enchante le public par ses aigus étincelants, son phrasé qui ne semble jamais à court de souffle, et son élégance générale.
Emmanuel Pahud en 8 dates :
- 1970 : Naissance à Genève
- 1976 : commence la flûte à Rome
- 1990 : 1er Prix du CNSM de Paris
- 1992 : 1er Prix au Concours international de Genève
Nommé flûte solo à l’Orchestre philharmonique de Berlin - 1993 : Premier disque (sonates de Beethoven avec Eric Le Sage chez Valois)
Crée le festival Musique à l’Empéri avec Eric Le Sage et Paul Meyer - 1997 : signe chez EMI et enregistre les concertos de Mozart avec le Philharmonique de Berlin
- 2000 : nommé professeur au Conservatoire de Genève
- 2014 : 1er disque au sein de l’ensemble Les Vents français (Warner)
Flûtiste franco-suisse, Emmanuel Pahud s’est formé auprès de Michel Debost et Aurèle Nicolet
Emmanuel Pahud est né à Genève. Mais la famille déménage souvent à l’étranger, et s’installe provisoirement à Rome lorsqu’Emmanuel a 4 ans. Dans l’immeuble, le garçon entend le son d’une flûte : c’est le flûtiste François Binet, avec lequel il prend dès lors des cours pendant 3 ans. Puis la famille déménage à nouveau. Direction Bruxelles, où Emmanuel s’inscrit à l’Académie de Musique d’Uccle. Il étudie avec Michel Moinil, puis Carlos Bruneel, flûtiste solo de la Monnaie. Il se perfectionne ensuite au CNSM de Paris avec Michel Debost, Alain Marion, Pierre Artaud et Christian Larde. Pendant sa scolarité, il remporte les concours de Duino et de Kobé qui jouent le rôle de tremplin professionnel. Emmanuel entre donc en 1989 dans l’Orchestre symphonique de la Radio de Bâle comme flûte solo, et occupe le même poste au Philharmonique de Munich sous la direction de Celibidache. Avec l’argent gagné dans les concours, il s’achète une flûte en or Brannen Brothers, à laquelle il ajoute une tête Dana Sheridan. Diplômé du CNSM en 1990, il se rapproche d’un autre maître : Aurèle Nicolet, lui-même suisse. Avec lui, il prépare le Concours de Genève qu’il remporte en 1992. La même année, il est nommé flûte principale de l’Orchestre philharmonique de Berlin par Claudio Abbado. Il a 22 ans, et est le plus jeune musicien de l’orchestre.
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L’Orchestre philharmonique de Berlin : une histoire d’amour au long cours
En 1996, Emmanuel Pahud signe un contrat chez EMI et enregistre avec ses collègues du Philharmonique de Berlin les concertos de Mozart, ceux-là même qui lui avaient donné envie de jouer de la flûte. En 2000, Pahud est choisi par le Conservatoire de Genève pour reprendre la classe de Maxence Larrieu, et démissionne du Philharmonique de Berlin. « Après 7 ans en orchestre, j’avais besoin de plus de flexibilité, de redevenir maître de mon temps », explique-t-il alors à L’Express. Les raisons sont multiples, à la fois professionnelles (l’emploi du temps de l’orchestre le fait refuser trop de concerts solistes) et personnelles (la naissance de son deuxième fils). Mais l’orchestre lui manque vite. Il revient au Philharmonique deux ans plus tard, sous la baguette de Sir Simon Rattle, qui a entre-temps pris la succession d’Abbado. Preuve de sa cohésion au sein de l’orchestre, Pahud est élu en 2007 membre du Media Board. Son agenda très chargé cumule désormais les nombreuses performances en soliste et en musique de chambre, aux répétitions et concerts de l’orchestre, à Berlin ou en tournée.
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Avec Eric Le Sage et Paul Meyer, Emmanuel Pahud partage une amitié musicale forte
En 1993, Emmanuel Pahud fonde un festival à Salon de Provence, autour de l’emblématique château médiéval de l’Empéri. Il partage la direction artistique avec deux autres musiciens, le clarinettiste Paul Meyer et le pianiste Eric Le Sage. Au fil des années, le festival s’impose dans le paysage musical comme un événement alliant chaleur humaine et haute qualité. « [Le festival] est l’occasion de partir à la rencontre d’un public plus large, d’échanger entre artistes, le tout dans une ambiance très conviviale et gaie, » décrivait déjà le flûtiste à L’Express en 2015.
Emmanuel Pahud dans le Final du Concerto pour flûte en Sol Majeur de Mozart
Eric Le Sage devient vite un complice incontournable. Dès 1993, Emmanuel Pahud commence à enregistrer avec lui. Des sonates de Beethoven, Schubert et Weber paraissent sous le label Valois, puis celles de Franck et Fauré chez Skarbo, avant que les deux artistes ne poursuivent leur collaboration chez EMI. Paul Meyer, et Daishin Kashimoto – violon solo du Philharmonique de Berlin – se joignent parfois à eux, comme sur le disque « Vienne 1900 » en 2020. Mais c’est surtout au sein des Vents français, fondé en 2014 – avec François Leleux, Gilbert Audin et Radovan Vlatkovic – que le flûtiste et le clarinettiste enregistrent régulièrement ensemble. Ils gravent ainsi de la musique du XXème siècle, Mozart et ses contemporains en compagnie de l’Orchestre de Chambre de Munich, ou encore des romantiques comme Onslow et Spohr.
S’il favorise la musique contemporaine, une grande partie de son répertoire s’inscrit dans les périodes classique et romantique
Si Mozart est sans conteste le roi de la discographie d’Emmanuel Pahud, le répertoire du flûtiste reste large. Parmi les concertos, citons à titre d’exemple ceux d’Haydn, CPE Bach, Reinecke, Ibert, ou encore Nielsen. Son disque autour de Frédéric le Grand, sous la baguette de Trevor Pinnock, obtient une Victoire de la musique en 2013 – Emmanuel Pahud avait déjà remporté la catégorie « Soliste instrumental » en 1998.
Hommage à sa nationalité suisse, Emmanuel Pahud grave en 2013 les oeuvres complètes pour flûte de Franck Martin, avec le pianiste Francesco Piemontesi et l’Orchestre de la Suisse romande (au label Musiques Suisses). Le flûtiste se fait aussi le champion de la musique contemporaine, en créant de nouvelles œuvres dont il passe parfois commande lui-même. Il défend ainsi Über die Linie VI pour flûte, violon et violoncelle de Rihm, les concertos de Dalbavie, Jarell, Carter, Mecanic song pour piano et quintette à vent d’Escaich, ou encore Dreamtime de Hersant. En 2020, pour palier l’annulation totale des concerts due à la pandémie de coronavirus, il crée avec Daniel Barenboim un festival numérique dédié à la musique contemporaine, diffusé en streaming depuis la salle Pierre Boulez à Berlin. « Les créateurs sont familiers de l’isolement, et nous permettent de construire le monde de demain », rappelle-t-il à Crescendo quelques mois plus tard, tout en se réjouissant qu’internet ait permis à des spectateurs du monde entier de se connecter.
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Eclectique, Emmanuel Pahud raffole du jazz depuis sa rencontre avec le pianiste Jacky Terrasson. Ensemble ils ont revisité façon jazz des œuvres de compositeurs classiques sur le disque « Into the blue », paru chez Warner en 2003. Il a aussi formé un Big Band avec des collègues du Philharmonique de Berlin, désireux d’élargir leur pratique instrumentale.
Petit, Emmanuel Pahud aurait aimé être pilote de chasse ou sportif automobile, comme il l’avoue à Walkzine en 2012, pour faire « un truc de vitesse et de contrôle, en se demandant sans cesse : ˮ Est-ce que ça va tenir ? ˮ ». Aujourd’hui il est un flûtiste polyvalent et adulé dans le monde entier, comme le fut en son temps James Galway. « Il faut croire à ce qu’on fait. Tomber le masque sur scène, tout en ayant une carapace de crocodile pour être très résistant aux flèches qui pourraient arriver de tous les côtés. Essayer d’être le plus vrai, et donc le plus touchant possible. »
Sixtine de Gournay