Rencontre Biden/Poutine : « La menace Russe est plus un souvenir qu’une réalité pour les Etats-Unis »

Pascal Boniface était l’invité de la matinale de Dimitri Pavlenko ce mercredi 16 juin. Le fondateur et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) publie Le Bateau ivre aux éditions Armand Colin, son premier récit fictionnel. Dans ce roman, un jeune Président de la République qui n’est issu d’aucun parti voit son agenda réformiste bousculé par une série d’attentats islamistes. Cet ouvrage emprunte beaucoup à la réalité et mêle politique, sociétal et sport, l’une des passions de son auteur.

Black Lives Matter à l’Euro 2021 : « Si les français mettent le genou à terre les Hongrois vont siffler »

Pascal Boniface est un observateur avisé de l’Euro de football, autant sur le plan sportif que géopolitique, deux notions qui se mêleront dans le match opposant l’Angleterre à l’Ecosse ce vendredi à Wembley : « C’est amusant car politiquement c’est le même pays, mais deux fédérations sportives différentes (…) Pour les Ecossais c’est le match le plus important de leurs vies, ils n’ont de plus grand plaisir que de battre les Anglais (…) Y compris juste avant les demandes de référendums, le brexit va donner encore plus d’importance à ce match ». Autre match sous tension, le France-Hongrie ce samedi dans une bouillante Puskas Arena de Budapest qui sifflera copieusement des français qui mettront le genou à terre en hommage au mouvement black lives matter : « Les Hongrois en veulent toujours à la France pour le traité de Trianon qui a privé la Hongrie des 2/3 de son territoire, donc il y a des souvenirs historiques (…) et je pense que si les Français mettent le genou à terre alors ça va siffler, on est pas tellement pour la lutte contre la discrimination en Hongrie ». Les supporters Hongrois avaient déjà accueillis de huées la génuflexion des joueurs Irlandais lors d’un amical de préparation à l’Euro, une action soutenue par le président Orban : « Les Hongrois ne s’agenouillent que devant Dieu, la Patrie et la femme qu’ils aiment ».

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Pascal Boniface a également envisagé la signature de Zinedine Zidane au Paris Saint-Germain, un accord dont la seule barrière serait l’attachement du ballon d’or à Marseille, une barrière à relativiser du fait que Zidane n’a jamais joué pour l’OM : « c’est une supposition, mais toutes les planètes pouvaient s’aligner (…) Zidane a quitté Madrid, Mbappé voulait rejoindre le Real pour être sous les ordres de Zidane, et ce dernier avait soutenu la candidature du Qatar pour la Coupe du Monde 2022 (…) Mais Zidane étant Marseillais, c’est le seul obstacle pour qu’il signe ».

 

Pascal Boniface : « La bataille pour la suprématie stratégique face à la Chine est le combat des Américains, pas celui des Européens »

Retour à l’intense actualité géopolitique et l’importante séquence qui s’ouvre à la mi-juin avec l’enchaînement G7, sommet de l’OTAN, sommet entre l’UE et les Etats-Unis, et la rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine : « c’est important que cette rencontre ait lieu, qui plus est à Genève, en terrain neutre, dans une villa symétrique où chaque délégation aura la même place » affirme Pascal Boniface. Pour Joe Biden, cette séquence est l’occasion de réaffirmer le retour de l’Amérique dans la coopération internationale, comme cela a déjà été le cas concernant la lutte contre le réchauffement climatique, et de marquer une rupture claire avec la stratégie de Trump : « Cette rencontre avec Poutine fait partie du retour de l’Amérique, ce que Biden voudra montrer c’est qu’il n’a pas la complaisance que Donald Trump pouvait avoir à l’égard de Poutine ». Pascal Boniface souligne le fait que, malgré cette rencontre au sommet entre Biden et Poutine, le regard de l’Amérique se porte en priorité sur la Chine, considéré comme une menace à l’hégémonie du pays : « Il se trouve que la Russie n’est plus le problème des Etats-Unis (…) La priorité presque obsessionnelle, et là est le seul point d’accord de Biden avec Trump, c’est de dire que la Chine est le rival numéro 1 (…) Dans cette optique on aurait pu penser qu’il aurait été avisé d’attirer la Russie dans le camp des Américains, un peu comme Nixon et Kissinger avaient attiré la Chine dans leur camp pour contrer la menace Soviétique (…) Là, on pousse plutôt la Russie dans le camp de la Chine par la confrontation et des sanctions, mais le but pour Biden est de montrer qu’il y a une nouvelle summa divisio entre les bons et les méchants, d’un côté l’alliance des démocraties, de l’autre l’axe des régimes autoritaires ».

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Comme le disait Hubert Védrine hier sur notre antenne, la menace russe est un problème collatéral pour des Etats-Unis focalisés sur la Chine mais est bien une menace réelle pour les Européens de l’Est. Cette idée est également partagée par Pascal Boniface qui décrit la Russie comme « un acteur régional avec des capacités mondiales de nuisance », en tant que membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, acteur influent du cyberespace et détenteur de l’arme nucléaire. Ainsi, il est légitime de se demander si les Européens, naturellement dirigés vers la menace Russe, seront à même d’emboîter le pas des Américains dans leur croisade contre la Chine : « Les Européens achètent assez bien l’agenda américain à l’égard de la Russie (…) Par contre sur la Chine c’est autre chose, l’Allemagne a des relations économiques plus importantes avec la Chine qu’avec les Etats-Unis, et pour beaucoup de pays européens, la Chine est un partenaire commercial (…) La bataille pour la suprématie stratégique est le combat des Américains, pas celui des Européens ».

Rémi Monti

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