« Qui sera le premier officier russe à tirer sur Poutine ? C’est la question », selon le général Trinquand

Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU était l’invité de Renaud Blanc dans la matinale de Radio Classique ce mardi 8 mars. Lors de cet échange, il a pointé les faiblesses de Vladimir Poutine dans la guerre qu’il mène contre l’Ukraine.

La stratégie de Vladimir Poutine, d’une prise de l’Ukraine par surprise, a échoué

C’est le 13ème jour de combat. Des villes sont bombardées mais beaucoup d’entre elles résistent, à commencer par Kiev. Est-ce que vous êtes surpris par ce que l’on observe sur le terrain ?

La stratégie initiale voulue par Vladimir Poutine a échoué : celle de la prise de l’Ukraine par surprise, avec une armée ukrainienne qui s’effondre, passe du côté des Russes, et un président qui disparaît pour être remplacé par un dirigeant fantoche.

C’est l’échec de de la guerre éclair que souhaitait Vladimir Poutine ?

Totalement. Et c’est probablement ce que lui avaient « vendu » ses généraux. C’est cet échec qui conduit au rouleau compresseur que l’on voit en particulier dans le Sud. À partir du Donbass et de la Crimée, c’est la tenaille autour de la mer d’Azov et Marioupol, et maintenant l’offensive en direction d’Odessa va boucler toute la rive nord de la mer Noire.

On voit aujourd’hui le courage et la détermination des Ukrainiens. Poutine a finalement cimenté la la nation ukrainienne malgré lui ?

Oui. Je crois que dans cette opération, en fait, le président Poutine a réussi 3 objectifs : ressouder l’OTAN, réveiller l’Union européenne et souder les Ukrainiens autour de leur chef, le président Zelensky.

Dominique Trinquand : « la résistance ukrainienne est admirable »

C’est une guerre sanglante, du côté des civils comme des militaires. Chez les Russes, Moscou parle de quelques centaines de morts. Kiev annonce 6 000 tués, toujours du côté des soldats russes. Où est la vérité ?

Nulle part. Les chiffres sont toujours faux, les Russes minorent les chiffres, les Ukrainiens les augmentent probablement. Ce qu’il y a de certain, c’est que la résistance ukrainienne est admirable, remarquable et qu’elle cause des pertes réelles aux Russes. Ces pertes commencent d’ailleurs à se faire connaître en Russie. La population russe pensait que c’était une opération spéciale de maintien de la paix qui était en place en Ukraine, or elle est en train de découvrir que c’est une vraie guerre.

Dominique Trinquand, quelle est la stratégie russe aujourd’hui ?

Je pense que la Russie hésite avant d’investir Kiev. Pour l’instant, elle resserre l’étau, elle bombarde les faubourgs et la banlieue. Elle essaie de faire sortir la population, mais la prise de la capitale est un vrai sujet parce qu’elle ne pourra pas être suivie d’un bombardement massif. Kiev est quand même historiquement et religieusement un point important pour la naissance de la Russie. Dire « nous allons libérer nos frères ukrainiens dans la petite Russie que représentait Kiev » et raser Kiev, est incohérent.

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Le groupe Wagner est déployé pour éliminer le président ukrainien Zelensky

On sait qu’il y a un certain nombre de personnes infiltrées qui sont là pour tuer le président Zelensky et le maire de Kiev Vitali Klitschko ? On parle du groupe Wagner et de 300 à 400 mercenaires…

Le groupe Wagner est extrêmement perméable avec les forces spéciales russes. Ces gens issus des forces spéciales se retrouvent sous contrat Wagner, ce qui offre l’avantage considérable de ne plus leur donner de règles. On parle aussi de la présence de Tchétchènes, ce qui est quand même une aberration. Ce sont des musulmans qui sont envoyés pour libérer une ville chrétienne orthodoxe.

Est-ce que Vladimir Poutine a des limites dans cette guerre ?

Oui. Si un seul soldat de l’OTAN est attaqué par la Russie, cela va être un déclencheur. Et ça, les Russes le savent, ils ne franchiront pas cette ligne.

Vous connaissez un certain nombre d’officiers russes, Dominique Trinquand. Est-ce qu’ils ont peur de Poutine, est-ce qu’ils sont derrière lui ou se disent-ils qu’il est en train de faire une folie ?

Je pense qu’ils ont peur de Poutine, naturellement. Qui est le premier qui osera s’opposer ou tirer sur Poutine, c’est la question.

 

Retrouvez l’invité de la matinale