Mali : Les familles des soldats morts en opération confient leur amertume

Thibault Camus/AP/SIPA

Le Mali est au cœur de l’actualité de la presse française ce 17 février. « La France tourne la page de l’opération Barkhane au Sahel », titre Le Figaro. Le Parisien consacre quant à lui sa une aux témoignages des familles de soldats tués au front.

L’armée française, marginalisée au Mali, a perdu 48 soldats

Un dîner a eu lieu ce mercredi 16 février à l’Elysée. Autour de la table, les parties prenantes internationales à l’intervention militaire au Mali. Elles devaient s’accorder sur un constat explique Le Figaro : il est devenu impossible de poursuivre en l’état les opérations Barkhane et Tabuka engagées contre les groupes djihadistes au Sahel. La fin de Barkhane va être entérinée et mettre un terme à 9 ans de présence au Sahel. Il y a de l’amertume dans les journaux sur le sujet. A commencer par l’édito de Philippe Gélie du Figaro. « Après une décennie à traquer les terroristes dans les sables du Sahel, après les soldats français tués, à l’issue de la plus longue opération extérieure française depuis la guerre d’Algérie nous ne sommes plus les bienvenus dans ce pays qui nous avait appelé au secours en 2012 » écrit-il.

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Comment en est-on arrivé là ? Philippe Gélie rappelle que c’est « l’alliance complice d’une junte militaire portée au pouvoir par un double coup d’Etat. Allier les objectifs des mercenaires de Poutine et les combattants islamistes devenus de facto leurs complices, c’est cette alliance officieuse qui a poussé les Français dehors ». Alors la lutte contre le terrorisme va passer par d’autres pays : le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Bénin. Quant au Mali, « il sera bientôt un trou noir de l’islamisme, ce jour-là, à qui en appellera Bamako ? ». Il y a donc des enjeux géopolitiques du retrait de la France du Mali mais également des enjeux humains.

« Mon papa c’est comme une petite flamme allumée en moi »

L’armée française marginalisée au Mali a perdu 48 soldats. Le départ annoncé de la France accentue la douleur de leurs familles qui s’alourdissent d’une impression de gâchis. Il faut lire le témoignage de ces parents de soldats tombés pour lutter contre le djihadisme, par exemple le père de l’adjudant Alexandre Protin mort au Mali le 25 novembre 2019, dans la collision de deux hélicoptères. Ce père endeuillé essaie depuis deux ans de remonter la pente après une dépression, un AVC et bien sûr le chagrin : « on peut comprendre ce retrait de la France, on n’a pas le choix, on marche sur des œufs et il ne faut pas qu’on s’enlise. Le terrain devient de plus en plus hostile, les Maliens oublient vite ce que les militaires français ont fait pour eux, l’Afrique c’est tellement compliqué ». Et ce père endeuillé n’en veut pas à l’armée qui a fait son travail sans se comporter comme un envahisseur. Lucas a 24 ans, il est le fils du premier soldat français mort en pilotant un hélicoptère et touché par un tir ennemi le 11 janvier 2013. « Mon papa c’est comme une petite flamme allumée en moi » confie le jeune homme.

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Danièle, âgée de 70 ans est la mère d’Harold, légionnaire naturalisé français, mort les armes à la main au Mali à l’âge de 33 ans. « On ne fait jamais son deuil » explique-t-elle au Parisien. L’anniversaire de la mort de son fils approche, l’actualité le rendra plus douloureux. Cette mère en veut à la junte militaire malienne d’avoir poussé les militaires français vers la sortie. « En janvier 2013, mon fils a sauté sur Tombouctou pour la libérer des djihadistes, il a participé à cette victoire. Les Maliens ont applaudi et aujourd’hui ils disent ne plus avoir besoin des soldats français. Moi ça me donne la rage ». Jean-Marie Bockel est un ancien ministre de Nicolas Sarkozy. Il a lui aussi perdu un fils aux confins du Mali, du Niger et du Sahel : « ce retrait français est douloureux mais on le comprend. Dans la vie, l’opinion et les médias passent vite à autre chose. Nous sommes les gardiens de cette mémoire ». Mais tout ce qui permettra de préserver un lien avec le Mali contribuera à donner un sens au sacrifice de son fils.

David Abiker

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