51 soldats Français sont morts au Sahel depuis 2013. La France va désormais retirer sa force Barkhane, après huit ans de présence. Est-ce un échec ?
Au nord du Mali, les djihadistes font à nouveau la loi
Sur le terrain, nos troupes ont fait preuve de courage et d’abnégation. Les officiers Français étaient mus par un vrai désir d’améliorer les choses pour les populations. Ceci dit, il faut regarder la vérité en face. Il y a eu quelques succès tactiques mais stratégiquement, l’investissement militaire français après le sauvetage de Bamako en 2013, s’est avéré un fiasco stratégique. Au nord du Mali, les djihadistes font à nouveau la loi, tout en se livrant à tous les trafics. A l’est, nous ne sommes pas parvenus à sécuriser la zone des trois frontières Niger et Burkina Faso. Ce dernier pays est désormais déstabilisé par les attaques islamistes. Au sud, nous sommes brouillés avec le gouvernement malien et rejetés par une partie de la jeunesse malienne. Avoir recueilli une telle ingratitude de la part d’un pays que nous sommes venus aider ne peut certes pas être qualifié de succès politique.
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Nous sommes tombés dans le piège colonial en nous installant sur des bases permanentes. Comme l’insécurité au Sahel a plutôt cru que décru durant ces huit années de Barkhane, les militaires français ont été pris pour les boucs-émissaires de cet échec de la pacification. Le problème est que n’avons pas réussi à trouver au Mali un gouvernement compétent sur lequel nous appuyer. Et puis nous avons eu ce problème structurel avec notre allié malien, qui est que nous n’avons pas le même ennemi. Notre ennemi à nous, ce sont les islamistes, alors que l’ennemi du gouvernement malien ce sont les Touaregs du nord du pays. Ces derniers n’accepteront jamais l’autorité des noirs du sud, qui sont les descendants de leurs anciens esclaves.
Renaud Girard : « Il appartient aux Africains de décider de leurs modes de vie »
Il faut se retirer, car nous n’avons pas vocation à recoloniser l’Afrique. Ce retrait doit se faire progressivement, pour ne pas dérouter nos alliés Tchadiens, Nigériens, Mauritaniens et Burkinabés. Nous pouvons garder au Sahel une force de frappe mobile pour aider ponctuellement les pays amis mais nous ne devons surtout pas nous installer comme du temps de Fort Saganne. Nous devons combattre l’islamisme chez nous mais c’est une erreur de nous ingérer dans les affaires de l’islam africain. L’interventionnisme militaire humanitaire en Afrique est une erreur. A terme il est voué à l’échec. C’est le retour par la fenêtre de la pulsion coloniale. Il appartient aux Africains et pas à nous, de décider de leurs modes de vie, de leurs systèmes politiques, de leurs pratiques religieuses.
Renaud Girard
Ecoutez Renaud Girard (à 5’20 ») :