Guerre en Ukraine : « On se rapproche de la 3ème guerre mondiale », selon le général Desportes

Ramil Sitdikov/POOL/TASS/Sipa US/SIPA

Le général Vincent Desportes, professeur de stratégie à sciences po Paris et HEC était l’invité de la matinale de Radio Classique. Il a affiché une très grande inquiétude après 2 mois de guerre en Ukraine et appelle les pouvoirs publics français à se remobiliser sur cette question, après l’élection présidentielle.

« Nous sommes redevenus les vassaux des Américains », déplore Vincent Desportes

« Le risque d’une troisième guerre mondiale est réelle », a déclaré Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires Etrangères. Ce n’est pas la première fois que les Russes brandissent cette menace ?

Cette nouvelle déclaration du ministre des Affaires Etrangères russe montre deux choses : la Russie est en échec, puisqu’elle ne peut plus monter en puissance au niveau des armes et du combat elle va monter au niveau de la sémantique. La deuxième chose c’est qu’effectivement on se rapproche de la 3ème guerre mondiale. Les Occidentaux ont intérêt à être fermes vis-à-vis de Vladimir Poutine puisqu’il ne comprend que la force, mais ils doivent aussi réaliser que la ligne rouge n’est pas loin. En partant des munitions de petit calibre pour en arriver à des livraisons de chars lourds, à un moment donné Vladimir Poutine pensera que cette ligne rouge sera franchie.

Les représentants d’une quarantaine de pays se sont réunis hier en Allemagne pour renforcer la défense de l’Ukraine. Jusqu’où faut-il aller ?

C’est une vraie question. L’autre question importante est de savoir si nous, Européens, avons encore la maîtrise de la paix sur notre propre territoire. Quand le secrétaire d’Etat des Etats-Unis Anthony Blinken et le secrétaire américain à la Défense Lloyd arrivent sur le théâtre de guerre sans que nous soyons présents, on voit bien que nous sommes redevenus des vassaux des Américains, dans un problème qui est d’abord le nôtre. Il faut que l’Europe existe à nouveau, elle a été absente pendant un mois de campagne électorale.

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Vous notez d’ailleurs qu’il n’y a pas de débat en France en ce moment sur la question de la Guerre en Ukraine ?

Nous sommes dans une situation de danger mondial et chacun est en train de s’occuper de ses propres affaires électorales. Il faudrait que nous en parlions plus en France parce que nous risquons d’être impactés très vite. Les leaders actuellement se battent pour l’Assemblée nationale et je les comprends, mais il peut ne pas y avoir d’Assemblée nationale si cette affaire-là dégénère, et elle peut dégénérer extrêmement rapidement.

C’est une phrase répétée depuis plusieurs jours par l’administration de Joe Biden. L’Ukraine peut-elle vraiment gagner la guerre ?

La question n’est pas celle-là, la question en stratégie est toujours de savoir comment va réagir l’autre. Que va faire Vladimir Poutine ? Il va monter dans les gammes, et il n’y a pas d’autre possibilité que d’aller frapper avec le nucléaire, d’abord en Ukraine sûrement, et possiblement ailleurs par la suite.

Vous semblez très inquiet général Desportes ?

Bien sûr je suis très inquiet, vous savez la guerre ne va jamais où on veut qu’elle aille c’est la règle ! Est-ce que Vladimir Poutine a atteint la moindre de ses objectifs ? Non ! Si nous le poussons à bout, nous risquons d’aller extrêmement loin. Je ne dis pas qu’il faut céder évidemment, cette guerre doit s’arrêter, mais en tout cas n’ayons pas de discours victorieux en disant « nous pouvons gagner ». Il n’y a plus de victoires au 21ème siècle, il y a des compromis.

 

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