Guerre en Ukraine : L’armée russe n’a pas les moyens de prendre Kiev, selon le général Desportes

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Le général Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po et HEC était l’invité de Renaud Blanc dans la matinale de Radio Classique. L’auteur du livre à paraître aux éditions Denoël « Viser le sommet pour réussir, devenez stratège » explique que la guerre en Ukraine est entrée dans une phase statique, après l’échec des Russes face à leurs objectifs.

Kiev est « une ville gigantesque, avec près de 3 millions d’habitants »

Selon le général Vincent Desportes, les Russes ont échoué face à leurs objectifs, notamment en ne parvenant pas à encercler Kiev, la capitale ukrainienne. Il explique que la guerre est entrée dans une nouvelle phase, « une phase statique ». Ainsi, le professeur de stratégie assure que les Russes n’ont pas la capacité de prendre Kiev, et souligne qu’ils n’ont pas réussi à rejoindre le Donbass et la Crimée : « puisque Marioupol résiste toujours ». Face à une guerre « qui va s’éterniser, durer des mois voire des années, Vladimir Poutine fait monter le niveau de violence », analyse Vincent Desportes, interrogé par Renaud Blanc sur l’utilisation d’armes hypersoniques. Selon le militaire, elles sont surtout destinées à rappeler aux Occidentaux l’avancée technologique de l’armée russe.

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Après quasiment 1 mois de guerre, la grande faute stratégique de la part des Russes est d’avoir méprisé les Ukrainiens, pointe le général Desportes. Cette erreur les a amené à élargir leurs attaques depuis Odessa jusqu’à Kharkiv, « au lieu de concentrer leurs efforts », estime-t-il, ajoutant : « finalement, ils n’arrivent à percer nulle part, ils ont sous-estimé leurs adversaires et ont surestimé leur force, ce qui conduit à l’impasse d’aujourd’hui ». Les Russes n’ont en effet pas la masse de manœuvre suffisante pour l’emporter quelque part, sans pour autant pouvoir retirer leur armée, aux prises avec les Ukrainiens. Vincent Desportes explique que l’armée russe n’a pas les moyens de prendre Kiev, « une ville gigantesque avec près de 3 millions d’habitants ». Selon lui, les 200 000 soldats nécessaires à l’opération sont aujourd’hui répartis dans le pays, et la Russie a peu de réserve militaire.

Général Desportes : « on peut voir encore pendant longtemps la barbarie se répandre sur le sol ukrainien »

Dans ce contexte, un tabloïd proche du Kremlin a publié un rapport du ministère de la Défense russe évoquant près de 10 000 tués et 16 000 blessés côté russe. Ces chiffres sont donc désormais connus de la population russe, et ils sont considérables, pointe le général Desportes. Il rappelle que les 10 ans de guerre en Afghanistan ont fait 15 000 morts russes. Or aujourd’hui on ne connaît ni l’état d’esprit de l’opinion publique russe, ni celui des soldats russes. Deux inconnues qui peuvent être une faiblesse pour Moscou, résume Vincent Desportes. « Cette frustration russe coûte très cher aux civils ukrainiens », note Renaud Blanc. « En effet », répond le général Desportes, « on peut voir encore pendant longtemps la barbarie se répandre sur le sol ukrainien ». Des négociations entre la Russie et l’Ukraine sont-elles envisageables ? « Il faudra bien que Vladimir Poutine y vienne », analyse l’invité de la matinale de Radio Classique, assurant que le président russe « joue sa propre survie politique et sa propre peau dans cette affaire-là ».

Béatrice Mouedine

Retrouvez l’invité de la matinale