Protection animale : Pourquoi le référent « bien-être » passe mal auprès des éleveurs

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C’est une mesure qui sur le papier paraît très louable, pourtant elle coince auprès des éleveurs : depuis le 1er janvier, un référent « bien-être animal » est obligatoire dans chaque élevage.

Les éleveurs ont jusqu’à juin 2022 pour nommer un référent dans leur exploitation

La colère gronde chez les éleveurs qui voient l’imposition de ce statut comme une insulte. Deux filières se sentent particulièrement visées : pour le porc et la volaille, la formation au bien-être animal est carrément obligatoire. Pour les autres, ce sera sur la base du volontariat. Une hérésie selon Emmanuel Rizzi, éleveur bovin dans le Jura : « c’est comme si on inscrivait un médecin à une formation aux premiers secours ! ». L’animal est au cœur du métier d’éleveur, insiste-t-il, confiant « très mal vivre » cette obligation. Il va se nommer lui-même référent en bien-être animal, expliquant être seul dans sa ferme : « on est très nombreux dans ce cas-là ».

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Les éleveurs ont jusqu’à juin pour nommer un référent dans leur exploitation et doivent suivre une formation avant la fin de l’été 2023. Cela commencera par 2 heures de visio-conférence. La suite se fera en présentiel, mais les contours restent encore à déterminer. « Tout ça n’est que de la paperasse en plus » peste Mickaël Guilloux, éleveur de truies en Mayenne et président du comité régional porcin des Pays-de-la-Loire : « J’ai l’impression qu’on nous infantilise. Moi je m’occupe de mes animaux depuis l’âge de 10 ans, j’ai un salarié et une apprentie à qui je transmets les bases [du bien-être animal], on n’avait pas besoin de ça ».

Le référent bien-être animal n’est absolument pas un lanceur d’alerte, il s’agit de pédagogie

Ce n’est qu’une opération de communication selon Brigitte Gonthière, porte-parole et cofondatrice de l’association L214 qui dénonce régulièrement les maltraitances animales : « on n’est pas sûr que cette mesure empêchera les infractions, […] d’autant que le référent est souvent le propriétaire de l’exploitation ou un ouvrier ». Le référent bien-être animal n’est absolument pas un lanceur d’alerte, prévient Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires. Pour ce futur organisme de formation des éleveurs, il s’agit surtout de pédagogie : « il n’est pas question de mettre un gendarme derrière chaque éleveur, il s’agit d’une démarche de progrès ». Il reconnaît toutefois que ce n’est peut-être pas satisfaisant et qu’il faudrait trouver « quelque chose de plus coercitif ».

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Pour les vétérinaires surchargés, ce référent sera un interlocuteur privilégié, sur un sujet souvent délaissé, comme le constate Philippe Le Coz, qui se rend au quotidien dans des exploitations porcines dans les Côtes-d’Armor. « Quand vous êtes éleveur, vous devez être bon en informatique, en biologie, en technique de matériel » explique-t-il, ajoutant que « quand vous avez un peu de temps pour vous former, vous allez vers le plus urgent, pas forcément sur le bien-être animal ». A cela s’ajoute le manque d’offres de formation sur le sujet, car il n’y pas de marché, selon lui. Les éleveurs devront renouveler leur formation tous les 7 ans pour pouvoir garder leur label et leur statut de « référent bien-être animal ».

Laurie-Anne Toulemont

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