Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’ordre des architectes était l’invitée de Renaud Blanc dans la matinale de Radio Classique ce jeudi 16 juin. En pleine vague de chaleur, très précoce dans la saison, elle revient sur les solutions pour adapter nos villes à l’impact du réchauffement climatique.
Christine Leconte : « L’idée est de limiter les gaz à effet de serre dans le transport des matériaux »
Est-ce que nos villes sont aujourd’hui adaptées à cette nouvelle réalité, que sont les vagues de chaleur à répétition et les canicules ?
Non, elles ne sont pas adaptées, mais on a des solutions qu’on peut mettre en place assez rapidement. Il faut débitumer les villes, vous savez que le bitume, prévu pour la voiture, réfléchit la lumière, la capte et la retient. Cela peut entraîner 4° de différence en moyenne entre le cœur des villes et la campagne ! Les architectes préconisent par exemple d’utiliser des occultations, ou encore le vent naturel, en créant des logements beaucoup plus traversants. Il s’agit aussi de travailler la forme et l’épaisseur du bâti.
Vous dites Christine Leconte qu’il faut arrêter de fantasmer la ville du futur et penser plutôt à la réparer. C’est d’ailleurs le titre du livre que vous avez coécrit avec Sylvain Grisot Réparons la ville, aux éditions Apogée ?
Nous n’avons pas le choix puisqu’en 2050, on aura pratiquement 2 fois plus de canicules qu’aujourd’hui, et 70% de citadins. Il faut donc recréer la ville à partir de l’existant.
Vous parlez des matériaux anciens qu’on peut redécouvrir. Est-ce que le bois est une des grandes solutions de demain ?
C’est une solution à partir du moment où c’est du bois local. L’idée est aussi de limiter les gaz à effet de serre dans le transport des matériaux et d’utiliser des matériaux qui sont plus ancrées dans les territoires. Il y a par exemple, le chanvre en Île-de-France pour isoler, la paille dans d’autres régions, ou encore la terre, qui a une inertie fantastique en Rhône-Alpes. Ce n’est pas « les 3 petits cochons », c’est très novateur.
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Quel type de construction faut-il éviter, voire arrêter aujourd’hui ?
La standardisation. C’est une ineptie, elle n’est pas finalement liée au site où sont situés les bâtiments. Il faut aussi éviter les constructions où les isolations ne serait pas performantes, où il n’y aurait pas d’occultation, pas de débords de toiture.
Comment créer la ville de demain avec la démographie qu’on connaît ?
Nous avons des solutions, mais qui sont culturellement difficiles à accepter. Depuis 40 ans, nous avons développé un urbanisme extrêmement individualisé, tourné sur l’usage de la voiture, sur le zoning : vous avez d’un côté le centre commercial, de l’autre côté, les zones pavillonnaires, et ensuite les zones tertiaires. Il faut envisager un aménagement des territoires qui équilibrerait la vulnérabilité de nos espaces naturels vis-à-vis des aléas climatiques. Pour avoir tout ça, on doit proposer des formes urbaines différentes, et ne plus opposer d’un côté la maison individuelle et l’autre côté, le logement collectif.
Il y a des spécificités régionales à respecter ?
C’est indéniable. Il n’y a pas de politique du logement en outre-mer, on a les mêmes normes [qu’en métropole], donc faut davantage d’adaptation. Il faut aussi beaucoup plus territorialiser la manière de construire. Surtout, arrêtons de dépenser, investissons dans des économies locales autour de l’architecture et de la construction, par exemple le développement des filières de matériaux biosourcés.