Le 1er juillet, TotalEnergies va mettre en place une ristourne de 12 centimes d’euro par litre de carburant dans ses 120 stations présentes sur les autoroutes de France. Ce geste est louable dans un contexte difficile pour le pouvoir d’achat des Français mais pourrait en fait s’avérer stratégique afin de ne pas inciter le gouvernement à une taxe générale sur ses profits.
15 euros d’économies sur un plein de 50 litres avec l’aide de l’Etat et de TotalEnergies
TotalEnergies a décidé de faire un geste sur le prix des carburants dans ses stations essence. Il faut déjà rappeler que les trois quarts des stations du groupe ont déjà offert une ristourne de 10 centimes par litres, au printemps. Cette réduction était en vigueur tout le mois d’avril et jusqu’à la mi-mai. Le patron du groupe Patrick Pouyanné avait alors annoncé que ce geste reviendrait dès cet été. Pourtant, aux yeux du gouvernement cela ne suffisait pas. Bruno Le Maire l’a fait savoir publiquement, avant même de recevoir le patron de TotalEnergies en tête-à-tête à Bercy le 28 juin au matin. Le ministre de l’Economie a fait une déclaration en direct certifiant qu’il réclamerait davantage. Le message semble avoir été reçu car le groupe a annoncé le 29 juin que la remise estivale sur les autoroutes ne serait pas de 10 mais de 12 centimes d’euro, soit 20% de mieux.
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Il faut ajouter à cela la remise à la pompe offerte par l’Etat. 18 centimes de l’Etat cumulés aux 12 centimes de TotalEnergies, ça fait une baisse de 30 centimes par litres, soit 15 euros tout de même d’économisés sur un plein de 50 litres. De plus le prix de l’essence a très légèrement baissé. Le litre reste tout de même en moyenne en France à 2,06 euros, et le diesel reste cramponné au sommet de son histoire à 2,13 euros le litre. Ainsi, cette nouvelle ristourne fait penser à l’ancien slogan de Total dans les années 90-2000 : « vous ne viendrez plus chez nous par hasard ». C’est vrai que sur un long trajet d’autoroute on ne choisit pas sa station. Pourtant cet été, surtout sachant que le carburant est plus cher sur les autoroutes qu’ailleurs en France, on aura tout intérêt à choisir l’aire sur laquelle on s’arrête pour refaire le plein. C’est donc plutôt malin de la part de TotalEnergies. Au passage, il est important de noter qu’il y a beaucoup moins de stations concernées qu’au printemps, 120 environ, au lieu de 2 700, quand cette ristourne ne s’appliquait pas uniquement sur les autoroutes.
Le Royaume-Uni et l’Italie ont instauré des taxes exceptionnelles de 25% sur les entreprises de l’énergie
Ce geste intervient donc dans un contexte bouillant sur le pouvoir d’achat, au niveau politique, mais aussi en interne, chez TotalEnergies. En effet, une grève est survenue il y a quelques jours, même si ça n’a pas fait beaucoup de bruit. La CGT prévient déjà d’une nouvelle journée d’action le 28 juillet prochain. Le jour où le groupe publiera ses résultats financiers qui devraient être une nouvelle fois exceptionnels. Ensuite il y a effectivement la bataille politique. Dans quelques jours, la loi sur le pouvoir d’achat sera la première à arriver à l’Assemblée. Le gouvernement a besoin des voix d’une partie de l’opposition pour faire voter ce texte. Le 29 juin, Il a fait un petit signe d’ouverture à destination des élus Les Républicains, en se disant prêt à prolonger la remise à la pompe de 18 centimes.
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Les Républicains veulent en effet baisser le prix de l’essence tandis que d’autres propositions émergent. Elles sont plus radicales et visent à taxer les « surprofits » ou « superprofits » des entreprises qui profiteraient de la crise actuelle, c’est-à-dire de la guerre en Ukraine et du boom des matières premières. Certains pays le font déjà comme le Royaume-Uni et l’Italie qui sont pourtant gouvernés par des libéraux. Ces nations ont instauré des taxes exceptionnelles de 25% sur les entreprises de l’énergie. En France, cette proposition est portée par le Rassemblement National comme par les communistes et La France Insoumise. François Ruffin, par exemple, a calculé sur un coin de table que si on divisait les 5 milliards d’euros de bénéfice de TotalEnergies au premier trimestre par le nombre de Français, ça ferait pas loin de 100 € par personne. C’est en fait une erreur car le député a pris en compte les bénéfices mondiaux. TotalEnergies ne pourrait donc être taxé qu’une seule fois sur ces bénéfices-là ou alors uniquement sur ses bénéfices réalisés en France qui sont totalement marginaux. Le gouvernement a déjà annoncé qu’il ne ferait pas une telle taxe. TotalEnergies a donc été malin, on le redit, car en faisant un (petit) geste sur les carburants, il s’est sans doute évité une taxe plus conséquente.
François Geffrier
Ecoutez François Geffrier (6’00) :