Le Ballet de l’Opéra de Paris porte au plus haut les couleurs de la danse classique et contemporaine. Une maison chargée d’histoire, que reflètent des traditions comme les grades et le concours interne de promotion. Comment fonctionne la compagnie ? On vous explique tout.
Le concours recrute des élèves de l’Ecole de danse de l’Opéra et des danseurs provenant d’institutions extérieures
L’entrée dans le corps de ballet se fait sur concours. Celui-ci se déroule à huis clos, ce qui entretient son mystère. Un cours de danse permet d’évaluer globalement le candidat, avant l’interprétation d’une variation soliste imposée.
Le concours se déroule en deux temps. Une épreuve interne donne d’abord leur chance aux élèves de l’Ecole de danse de l’Opéra. Au-delà de la synergie évidente, la raison de cette préséance est avant tout artistique. Les « petits rats » sont en effet formés au « style français » de l’institution. Une spécificité qui s’illustre dans le placement, le travail du bas de jambe dans les petits sauts (les « batteries »), et une recherche de la grâce jusqu’au bout des doigts qui passe notamment par les épaulements. Une seconde épreuve est ensuite ouverte à tous pour ce concours à la renommée mondiale, moyennant une pré-sélection sur dossier comportant des photos du candidat dans différents pas de danse. C’est le concours externe, que les recalés du concours interne ont au demeurant le droit de tenter. Une deuxième chance qui ne réussit pas forcément.
La compagnie est hiérarchisée selon des grades, qui définissent en principe les rôles attribués dans les spectacles
Une fois entré dans le corps de ballet, les heureux élus… ne dansent quasiment pas. En tout cas pas sur scène. Ils sont quadrilles stagiaires, et passent les répétitions assis par terre à regarder les autres. Mais pas question de bailler aux corneilles : si un danseur du corps de ballet se blesse, ils doivent pouvoir le remplacer au pied levé. Ils doivent donc connaître parfaitement la chorégraphie. Au bout d’un an, ils deviennent quadrilles à part entière, et remontent enfin sur scène.
Après quadrille, on devient choryphée. On danse dans le corps de ballet. On apparaît parfois dans des pas de 3 ou de 4. Mais il faut attendre le grade de sujet pour avoir de (petits) rôles de soliste. Les grands rôles sont en principe réservés aux étoiles et aux premiers danseurs. Mais il arrive que des directeurs ou des chorégraphes bousculent l’ordre hiérarchique pour donner aux sujets la chance de se mesurer à des rôles d’étoiles. Ce fut le cas pour Hugo Marchand, que Benjamin Millepied propulsa dans Casse-Noisette.
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Le concours de promotion interne passionne les balletomanes mais épuise les danseurs
Pour monter en grade, il faut réussir le concours de promotion interne. Cette tradition n’existe quasiment pas dans les autres compagnies, et fait souvent polémique. Les représentations ont lieu toute la saison. Si bien que ce surcroît de travail occasionne beaucoup de fatigue et parfois des blessures. Certain(e)s danseurs(es), pétris de trac, n’arrivent pas toujours à donner le meilleur d’eux-mêmes en concours alors qu’ils se révèlent éblouissants lors des spectacles. Mathilde Froustey a ainsi quitté l’Opéra de Paris en 2013, où elle était Sujet, pour devenir soliste au San Francisco Ballet, relançant le débat.
Mais si le concours de promotion est maintenu, c’est parce qu’il permet en principe de juger tout le monde équitablement. Le jury mêle des membres internes et des personnalités externes à l’institution. Une fois par an, les danseurs(es) de chaque grade ont ainsi l’opportunité de se faire remarquer, ce qui n’est pas toujours possible au sein du corps de ballet. On est là à l’opposé des nominations d’étoile, parfois perçues comme subjectives puisqu’elles sont le fait de la direction – même si, on peut l’espérer, en concertation avec les maîtres de ballet. Les premiers danseurs(es), eux, n’ont donc pas d’autre choix que de patienter, en faisant de leur mieux pour se distinguer artistiquement.
Le concours de promotion est aussi l’occasion de se faire repérer. L’opéra de Paris fait venir dans le jury des chorégraphes et des directeurs d’autres compagnies, ce qui peut déboucher pour les danseurs sur des invitations ailleurs. Le concours étant public, la presse est présente ainsi que des mécènes de l’Opéra, comme le Cercle Carpeaux qui attribue un Prix Danse à un membre prometteur dans les grades intermédiaires du Ballet.
Les répétitions de Drumming, chorégraphie d’Anne-Teresa de Keersmaeker sur une musique de Steve Reich, commentées par la Première Danseuse Muriel Zusperreguy.
Etoile ou sujet, tout le monde fait la barre ensemble dans les studios de Garnier
Les étoiles bénéficient d’une loge personnelle pour les spectacles, qu’ils gardent toute leur carrière à l’Opéra et peuvent aménager à leur goût. Mais le matin, ils retrouvent les autres danseurs pour le rituel quotidien de la barre, animé par un professeur. L’après-midi, on répète les spectacles. Les maîtres de ballet se partagent entre le corps de ballet et les différents solistes. Souvent issus de l’opéra, ils transmettent à la génération suivante l’esprit de chaque ballet. Cette tradition orale de l’interprétation est essentielle à l’Opéra de Paris. Variations, pas de deux, ensembles, on reprend inlassablement avant les dernières répétitions sur scène. Puis la générale. En costume.
L’essayage du costume est un moment souvent apprécié des artistes, parce qu’il permet de se glisser encore un plus dans le rôle. Couturières, modistes, perruquiers, travaillent dans des ateliers aux allures de caverne d’Ali Baba. Hyper spécialisés, ils réalisent à la main des costumes dignes de la haute couture. Qui participeront à la magie du spectacle, et feront rêver petits et grands dans le public, longtemps après la représentation.
Sixtine de Gournay
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