LA REDÉCOUVERTE D’UN TALENT SINGULIER

Enregistrées pour la première fois, ces sonates pour violon et piano de Godard dévoilent un tempérament passionné épris de clarté.

La redécouverte de Godard, initiée par le Palazzetto Bru Zane, se poursuit avec ces quatre Sonates pour violon et piano, oeuvres du plus vif intérêt où l’on voit clairement que le compositeur n’était ni mineur ni académique. Le violon était son instrument et il l’avait travaillé avec Henri Vieux temps. Au lieu de multiplier les traits virtuoses et spectaculaires, il se livre à quatre reprises à un travail de composition original et l’on aurait du mal, dans le contexte de l’époque, à taxer de conservatisme un compositeur écrivant une sonate en cinq mouvements (la N° 3), avec Scherzo et Intermezzo, ou se refusant à suivre les canons classiques de la forme-sonate, ce qu’un critique du temps mettait sur le compte de " l’horreur de la formule poussée jusqu’à la bizarrerie " et " une lacune dans les études musicales de l’auteur ". Composées entre 1866 et 1872, les quatre sonates sont donc postérieures à la Sonate en la de Lalo mais antérieures aux premières de Fauré et Saint-Saëns. Godard y développe un langage accessible mais pas simpliste, original mais pas abscons, très expressif mais pas sentimental. Injustement, ces pièces ne furent jamais enregistrées. C’est dire l’importance du défi relevé par Nicolas Dautricourt et Dana Ciocarlie. Le violoniste a atteint sa pleine maturité avec une sonorité chaleureuse mais jamais hédoniste, très naturelle aussi, et qui rend parfaitement compte de la volonté de clarté de Godard. Son travail est rigoureux, net et par là même émouvant: n’oublions pas que Godard osait le romantisme en un temps où l’on s’en détournait. Son duo avec Dana Ciocarlie est parfaitement équilibré et la pianiste n’a rien d’une simple accompagnatrice mais s’impose comme une partenaire.