John Malkovich, une légende si proche

Il a l’air fatigué et absent des acteurs hollywoodiens qui se règlent en pilotage automatique lors des séances de promotion. Son programme reflète paresseusement la bande son de son Casanova, présenté à Versailles, et des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos qu’il vient brillamment de mettre en scène au théâtre de l’Atelier. Pourtant, il écoute chaque musique avec une attention aiguë, un émerveillement intérieur et muet, comme s’il en découvrait à nouveau toutes les richesses. Un grand acteur, c’est un regard, c’est une voix et c’est une oreille éternellement vierge, fraîche, à vif. C’est un don, certes. Mais c’est aussi une capacité à tout donner pour son art, pas forcément par esprit de sacrifice ou au moyen d’un quelconque renoncement, mais d’être totalement, entièrement dévoué à ce qu’on fait, sans espoir de retombée de quelque sorte, de notoriété, d’argent ou de reconnaissance. Ensuite, le public fait son choix, la chance son ouvrage, le destin son travail.
La mise en scène de John Malkovich est exceptionnelle en ce sens qu’elle révèle à nouveau toute la force des Liaisons dangereuses, ce chef-d’oeuvre cruel et moral qu’on a longtemps cru immoral tant il remue des choses profondes sans souci des convenances. C’est un jeu subtil, intelligent et original sans que cette originalité ne s’interfère jamais entre l’oeuvre et le spectateur, sans qu’elle n’abaisse jamais la portée de l’oeuvre. La mise en scène joue avec des codes sociaux, mais préserve et exalte l’émotion du texte, entre le rire et les larmes, et sait conserver cet équilibre primordial, essentiel, entre la comédie grinçante et un réalisme désespéré.
Choderlos de Laclos fut un militaire qui mit au point l’obus. Mais son oeuvre la plus explosive, celle qui continue à nous sauter au visage en nous déchirant l’âme, c’est bien Les Liaisons dangereuses. A ce niveau de beauté et de vérité, nous ne sommes plus, en ce qui concerne le passage de John Malkovich dans Passion Classique, à l’intérieur d’un système de promotion, mais dans le partage doux,humble et tranquille d’un morceau de cette beauté et de cette vérité.
Voici son programme :

« ah, lo previdi » de mozart
– « soave sia il vento » tiré de cosi fan tutte de mozart
– symphonia concertante pour violon et viola, deuxième mouvement, toujours de mozart
– « deh vieni alla finestra », tiré de Don Giovanni, mozart.