Le second mandat d’Emmanuel Macron commence très difficilement. Face à la fracture politique du pays, le président de la République craint de ne pouvoir mener à bien les réformes qu’il pense nécessaires pour la France, et être cantonné à un quinquennat de gestionnaire.
« En France, la fracture générationnelle est terrifiante »
Entre un second tour des législatives incertain, un pays divisé et des extrêmes plus hauts que jamais, Emmanuel Macron s’inquiète sur la tournure que pourrait prendre son second mandat. Il faut savoir que le président de la République répète souvent une phrase en privé devant ses proches depuis sa réélection du 24 avril. Cette phrase, la voici : « soit on fait de la gestion, soit on écrit l’Histoire ». Une manière pour le chef de l’Etat de conjurer sa hantise que son second mandat soit un quinquennat pour rien. La crainte qu’il soit empêché de réformer en profondeur comme il l’ambitionne et donc qu’il échoue à laisser une trace. On peut se demander pourquoi Emmanuel Macron exprime une telle crainte. « Parce que le pays est divisé, par exemple la fracture générationnelle est terrifiante » explique l’un des membres de son entourage. C’est la thèse d’une France volcanique avec de la lave sous la terre et une éruption qui apparaîtrait soudainement. Les macronistes seraient donc des grands brûlés de la crise des gilets jaunes.
Après Jupiter, Emmanuel Macron doit devenir Héphaïstos
De plus, l’incertitude qui plane sur les résultats de dimanche n’arrange pas ses inquiétudes. En effet, on ne sait toujours pas ce que va donner ce second tour des législatives. Entre une majorité absolue mais courte ou une majorité relative, ce n’est pas la même chose. En tout cas, tout le monde dans l’entourage du président anticipe une Assemblée moins docile que celle de 2017. Emmanuel Macron dit souvent que le « pays est fatigué », et sent qu’il ne pourra pas mener les réformes à la hussarde. Cette conviction a été renforcée par les résultats du 12 juin, et l’a amené à une allocution depuis le tarmac d’Orly. Pourtant, même si la dramatisation fonctionne et lui permet d’obtenir sa « majorité solide », le président sait qu’il faudra dans les années qui viennent, composer.
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Composer avec ses alliés, avec les corps intermédiaires et avec les élus locaux. C’est pour cela qu’il tâtonne et qu’il cherche un moyen d’organiser une sorte de concertation permanente avec son Conseil national de la refondation. Pour l’instant ses contours sont flous mais Macron est décidé à le lancer et à le faire vivre. C’est devenu indispensable à ses yeux. Pour reprendre ses propos lors d’un récent Conseil des ministres, il ne pourra plus être le Jupiter qui fait tomber la foudre mais plutôt un Héphaïstos qui forge des majorités par le compromis afin de bâtir des réformes. Le seul hic est que pour créer de la concorde, il faut des partenaires prêts à jouer le jeu. Dans un pays fracturé avec deux blocs extrêmes, un bloc abstentionniste et un centre polymorphe, le défi est de taille.
David Doukhan