La stratégie d’entre-deux tours des candidats à la présidentielle commence à être bien visible. Marine Le Pen prône l’apaisement tandis qu’Emmanuel Macron va au combat. Ces techniques bien rodées ne les mettent pas à l’abri d’erreurs stratégiques.
Marine Le Pen évite de se montrer brutale tandis que Emmanuel Macron s’efforce de descendre de son Olympe
Au milieu de cette première semaine d’entre-deux-tours on peut déjà définir et comprendre la stratégie de campagne des deux finalistes. On pourrait dire que par rapport à leur campagne de premier tour, Marine Le Pen est dans la continuité et Emmanuel Macron est dans la rupture. Dans les deux cas, ils sont dans une rupture par rapport à eux-mêmes. La candidate du Rassemblement National reste dans sa logique d’une campagne studieuse et apaisée. Pour continuer de corriger son image, elle cherche à rassurer, à apaiser et à montrer qu’elle a un projet sérieux.
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Comme le montrent les deux conférences de presse thématiques, l’une sur les institutions, l’autre sur la politique étrangère où elle a évité toute confrontation. Emmanuel Macron à l’inverse recherche la castagne. Il avait éludé la campagne du premier tour en organisant très peu de débats, de déplacements et de meetings. Pourtant le 11 avril, il est reparti sur le terrain en ciblant les terres où le RN est implanté. Il multiplie les contacts de rue dans des milieux qui lui sont parfois hostiles, quitte à se faire engueuler. L’une évite donc de se montrer brutale pendant que l’autre s’efforce de descendre de son Olympe. Pourtant, tous deux veulent corriger leurs travers et les traits d’image qui les dessert.
« La frontière est mince entre l’art de la synthèse et l’art de la girouette »
On verra le 24 avril si ces stratégies leur sont profitables. Pour l’instant, les sondages ne bougent pas. La victoire est accordée à Emmanuel Macron autour de 53 ou 54 %. Ce signe positif semble bien plus important que les nombreux commentaires qui alertent sur une victoire possible de Marine Le Pen. Pourtant, si nous revenons intrinsèquement à la campagne, les deux finalistes ne sont pas à l’abri de ce qu’on pourrait appeler des fautes de carre. En effet, la candidate RN multiplie les assurances sur son caractère démocratique et respectueuse des libertés, mais elle déclenche une polémique sur son choix de refuser d’accréditer tel ou tel journaliste pour la suivre. Emmanuel Macron s’expose tous azimuts au risque d’un certain brouillon sur sa ligne. Sur Radio Classique le 13 avril, Pascal Perrineau, politologue, disait que « la frontière était mince entre l’art de la synthèse et l’art de la girouette ». On a en effet vu que sur les retraites, porté par son désir de séduire les électeurs de Mélenchon, certains de ses proches ont réagi avec surprise et parfois avec fureur.
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Le dialogue d’Emmanuel Macron face à une femme voilée peut troubler bien des électeurs
On pense également à son dialogue avec une femme voilée, à Strasbourg, qui pourrait être une de ses premières fautes de carre. Cet échange fait partie en tout cas de cette même stratégie visant à la fois à cogner Marine Le Pen et à faire des clins d’œil aux mélenchonistes. Le voile islamique est interdit à l’école mais pas dans la rue. La candidate RN veut l’interdire dans tout l’espace public. A l’inverse, les résultats du premier tour, notamment dans certaines communes de la banlieue parisienne montrent que Jean-Luc Mélenchon a capté le vote musulman et le vote communautariste. Donc face à cette fille voilée, Emmanuel Macron a voulu dénoncer la proposition de sa rivale tout en félicitant la jeune femme pour son féminisme. Il a d’ailleurs fait preuve de fausse naïveté en lui demandant si elle avait choisi de porter ce voile ou si elle avait été forcée. En effet, cette citoyenne pouvait difficilement dire avoir été contrainte. Cette image peut donc troubler bien des électeurs même ceux qui ne sont pas forcément favorables à une interdiction pure et simple du voile. Ne pas maîtriser l’impact d’une image est donc bien le risque principal de ces contacts de rue.
Guillaume Tabard