Gilles Kepel, politologue spécialiste de l’Islam et du monde arabe contemporain était l’invité de Guillaume Durand ce lundi 28 septembre. Evoquant l’attentat terroriste à Paris survenue vendredi 25 septembre, il estime que le suspect, un jeune Pakistanais, « vivait dans sa tête au Pakistan », malgré sa présence en France, où il était « assez désocialisé ».
Gilles Kepel évoque les grandes manifestations au Pakistan pour réclamer la décapitation des journalistes de Charlie Hebdo
Gilles Kepel est revenu sur l’identité du suspect de l’attaque terroriste rue Nicolas-Appert à Paris : « on sait depuis ce matin qu’il ne s’appelle par Hassan Ali, il avait dissimulé son vrai nom, puisque la police a retrouvé une vidéo dans laquelle on voit sa carte d’identité originelle ». Le politologue a ensuite décrit son parcours : « quelqu’un d’assez désocialisé, arrivé du Pakistan comme mineur isolé, en trichant sur sa date de naissance pour avoir les allocations d’aide à l’enfance », ajoutant qu’ « on peut penser qu’il vivait dans sa tête au Pakistan ».
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Pointant les vidéos sur Charlie Hebdo qui circulent sur les réseaux sociaux pakistanais, Gilles Kepel évoque de grandes manifestations dans ce pays pour réclamer la décapitation des journalistes. Une violence exacerbée depuis la republication des caricatures de Mahomet par le journal satirique et le procès des attentats de janvier 2015. On assiste, selon Gilles Kepel « à un télescopage de plusieurs mondes, avec un homme qui vit mentalement dans les représentations et les actions voulues par des groupes radicaux du pays duquel il vient. Or il vit dans la société française, à laquelle il est très peu connecté ». Gilles Kepel fait le lien avec « l’énorme problème des migrations accélérées depuis les printemps arabes de 2011 », à travers l’Iran et la Turquie. Le politologue explique que la plupart des migrants vont en Allemagne ou dans les pays du nord, où le marché du travail est dynamique, mais un certain nombre arrivent en France, où ils constituent « un enjeu de sécurité majeur ». Enjeu qui fera d’ailleurs l’objet d’une réunion à Bruxelles la semaine prochaine.
Loi antiséparatisme : Pour Gilles Kepel, l’enjeu principal est la rupture culturelle, communautariste
Alors qu’Emmanuel Macron doit prononcer dans quelques jours -après plusieurs reports- un discours sur les séparatismes, Gilles Kepel s’interroge : « Faut-il se focaliser sur des groupes passés à la rupture aboutissant à des actes terroristes ? Car si on fait ça on est sur la face émergée de l’iceberg… » Question rhétorique pour le spécialiste de l’Islam, qui évoque plutôt l’enjeu de la rupture culturelle, communautariste, qui « s’est manifestée lors des dernières municipales ». Gilles Kepel pointe des « groupes réclamant les voix de leurs coreligionnaires en leur promettant une gestion par eux-mêmes de la municipalité », ce qui selon lui soulève « un véritable problème, celui de la manipulation d’institutions, dévoyées de leur objectif , qui est la recherche du bien public ». Car sur le plan des renseignements, il souligne les « énormes progrès depuis les couacs de l’affaire Merah, en 2011, présenté au départ par erreur comme un loup solitaire ». Gilles Kepel salue « la grande efficacité » dont on fait preuve les forces de l’ordre, avec l’arrestation rapide du suspect de l’attaque de vendredi dernier, insistant sur la difficulté de repérer ces « terroristes 4G, de quatrième génération, qui ne sont plus des soldats qui obéissent à des ordres, mais décident seuls de passer à l’acte ».
Béatrice Mouedine
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— Radio Classique (@radioclassique) September 28, 2020