Hubert Védrine était l’invité politique de la matinale de Renaud Blanc ce mercredi 24 février. L’ancien ministre des Affaires Etrangères a évoqué l’importance de l’historicisation et de la profondeur d’analyse pour comprendre les relations internationales, ainsi que les conséquences géopolitiques de la crise du Covid-19.
Hubert Védrine : « Il faut réintroduire une vision de longue durée »
Hubert Védrine plaide pour une réintroduction « de l’histoire et de la profondeur », essentiels à la compréhension des relations internationales : « il faut analyser la longue durée pour comprendre les Russes, les Chinois ou les Etats-Unis ». Selon l’ancien ministre des Affaires Etrangères, « on a cru avec la globalisation et la mondialisation que le passé n’avait plus d’importance et que tout le monde était connecté, ce n’est pas vrai ».
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Cette importance de l’historicisation, Hubert Védrine la souligne face au mouvement de déconstruction des romans nationaux « venant des campus américains » qui aboutissent « à une autodestruction généralisée et un roman anti-national ». Selon le diplomate, « on ne peut se passer des mythes pour la construction d’une narration personnelle, familiale ou à l’échelle de la nation », mais à partir du moment où une histoire ne se base que sur ces mythes « tous contredits », il convient de « retomber sur un socle plus réel, car tout est question d’équilibre ». Hubert Védrine analyse ces soubresauts de la mémoire collective par une « difficulté d’adaptation des occidentaux qui ont dominé pendant plusieurs siècles à leur perte de monopole de puissance ». Ainsi, il se sert de l’exemple de débats autour de la célébration du bicentenaire de Napoléon, et établit une distinction claire entre « commémorer et célébrer ». L’ancien ministre des Affaires Etrangères affirme qu’il faut « commémorer, car cela a eu lieu » et a une importance dans l’Histoire de la France, mais pas nécessairement célébrer Napoléon, car est célébré « ce dont on est fier avec nos mentalités actuelles ». Hubert Védrine réfute également en bloc la possibilité d’une repentance collective : « il n’y a pas de responsabilité collective et transmissible ». Il affirme qu’il faut « établir la vérité historique », mais que cette idée de culpabilité communautaire « est complètement artificielle et n’a aucun sens juridique ».
Hubert Védrine : « Deng Xiaoping est le génie fondateur de la Chine moderne »
Hubert Védrine se souvient du temps où il était preneur de notes entre Deng Xiaoping et François Mitterrand. Rétrospectivement, le diplomate se rend compte de l’importance d’un tel personnage « qui a réussi à prendre le pouvoir, liquider le maoïsme » et engager la nouvelle marche de la Chine. Hubert Védrine décrit Deng Xiaoping comme « le génie fondateur de la Chine moderne » dont la position dans le monde actuel « est largement le résultat de son orientation ». De nos jours, l’actuel leader du pays Xi Jinping a « assumé la puissance de la Chine avant la pandémie » et le Covid-19 va selon Hubert Védrine « révéler, accélérer et intensifier » la marche d’éléments géopolitiques entamés avant la crise sanitaire : « la compétition qui va devenir de plus en plus dure entre les Etats-Unis et la Chine (…), les convulsions dans l’Islam sunnite et la question de l’Islamisme face à l’Islam, (…) le fait que la Russie soit toujours présente (…) que les européens aient du mal à se mettre d’accord ». Selon le diplomate, la crise sanitaire n’apporte pas encore de nouveaux éléments, mais accentue des processus déjà entamés.
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Hubert Védrine souligne l’importance d’un autre homme politique du XXe siècle, le président des Etats-Unis Harry Truman. Selon lui, « le président véritablement fondateur, c’est Truman : c’est lui qui a mis en place tout le système de l’après-guerre, dont le Plan Marshall qui est la matrice de la construction européenne et de l’OTAN ou encore l’élaboration du marché commun, pensé par les américains bien avant que les européens le mettent en œuvre « . Pour Hubert Védrine, « la structure dans laquelle on est encore » est dépendante de l’influence historique du président Truman.
Rémi Monti
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