Total quitte la Birmanie : Le groupe a peu à perdre et beaucoup à gagner en termes d’image

AP/SIPA

En Birmanie, il y a un an jour pour jour, la junte militaire prenait le pouvoir après une décennie de relative démocratie. Depuis, le pays est plongé dans l’instabilité et la guerre civile. Les pro-démocratie se sont réfugiés dans les jungles, poursuivis par une armée régulière qui n’hésite plus à s’en prendre à sa propre population.

Le départ de Total entraîne celui de son partenaire américain Chevron

C’est dans ce contexte tendu que le géant français TotalEnergies a annoncé son départ d’ici 6 mois de son exploitation de Yadana. L’entreprise, implantée dans le pays depuis 1992, a expliqué que sa décision était due au « contexte » qui ne cesse de se dégrader au Myanmar en matière de droits humains et plus généralement d’état de droit, depuis le coup d’état de 2021. C’est aussi une réponse aux critiques venues des ONG et de ses propres actionnaires, qui accusent le groupe d’avoir versé à la junte plus de 300 millions de dollars en 2 ans. Total a cédé sous la pression. Mais si le groupe a décidé de quitter la Birmanie c’est aussi et surtout pour des raisons économiques. En effet, le gisement de gaz de Yadana est programmé pour fermer dans 3 ans. En se désengageant, le groupe a donc peu à perdre et beaucoup à gagner en termes d’image. Selon Francis Perrin, géopolitologue des énergies : « lorsqu’un champ produit depuis longtemps, sa production baisse. Dans le cas de la production de Yadana, on est dans une phase de déclin. La production de TotalEnergies en Birmanie ne représente plus que 0,5% de sa production mondiale. Total n’est donc pas impacté fortement en termes de bénéfices ».

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Le départ de Total entraîne celui de son partenaire américain Chevron. Ainsi, Paris et Washington n’ont plus d’intérêts en Birmanie, ce qui pourrait ouvrir la voie à des sanctions économiques plus fermes et réclamées de longue date. Pour Sophie Brondel de l’ONG Info Birmanie : « la France a bloqué jusqu’à présent ce type de sanction en défendant les intérêts de Total en Birmanie. Maintenant que Total annonce son retrait on n’a plus ce frein et on attend de la France, qu’elle soit moteur sur ce dossier ». Car le retrait de Total et de Chevron n’impacte en rien les revenus de la junte, issus du secteur de l’énergie avec 1 milliard de dollars par an. Les ONG appellent les occidentaux à bloquer les paiements de ces taxes et dividendes.

Les Nations unies ouvrent une enquête pour crime contre l’humanité

Les oppositions ont bien tenté de protester contre la junte, mais elles ont été réprimées dans le sang. Une partie s’est désormais réfugiée dans les marges du pays, notamment dans les jungles, traquée par une armée régulière. Une situation qui a poussé les Nations unies à annoncer, le 31 janvier, une enquête pour crime contre l’humanité. La figure de la démocratie, Aung San Suu Kyi, a été condamnée et emprisonnée pour avoir enfreint des restrictions liées à la pandémie de coronavirus. Un prétexte fallacieux, condamné par les Etats-Unis qui ont prononcé de nouvelles sanctions contre des responsables judiciaires birmans.

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Pour autant, ces annonces ne vont pas assez loin selon Bénédicte Jeannerod de Human Rights Watch : « la junte se livre à une répression sur tout le territoire birman avec des actes de torture ou encore la mort de 1400 manifestants pacifistes, de personnel médical, des journalistes. Cela dure depuis 1 an. Face à cette répression brutale et généralisée, la réponse de la communauté internationale a été très faible. On appelle les gouvernements à renforcer les sanctions et à taper là ou ça fait mal pour couper le porte-monnaie de la junte. Il est plus urgent que jamais que les gouvernements prennent des sanctions ciblées pour stopper les revenus du gaz quels que soient les opérateurs sur le terrain ».

Eric Kuoch

Ecoutez le reportage d’Eric Kuoch : 

 

Ecoutez Bénédicte Jeannerod au micro d’Eric Kuoch : 

 

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