Une signature à 16 milliards d’euros pour une commande de 80 avions Rafales a été passée par les Émirats Arabes unis. Éric Trappier, directeur général de Dassault Aviation était l’invité du focus économique et a accordé un entretien exclusif à Francois Geffrier concernant cette commande historique pour la France.
Eric Trappier : « le Rafale était un peu en avance sur son temps »
Le Rafale était un appareil longtemps difficile à vendre, est-il en train de devenir un best-seller ?
Oui, je crois que le Rafale est une vraie réussite française d’abord et une réussite tout court. C’est une réussite opérationnelle, on l’a vu depuis déjà de nombreuses années aux mains des forces armées françaises. Une réussite export, qui a démarré avec l’Égypte en 2015 et qui s’est poursuivie avec des grands pays comme l’Inde ou le Qatar et récemment en Europe, avec la Grèce et la Croatie. Cette grosse commande de 80 avions marque une nouvelle étape de cette incroyable réussite de l’équipe de France.
Depuis 2015, c’est enfin le « moment » du Rafale. Pourquoi cela a-t-il mis du temps ?
Le Rafale était un peu en avance sur son temps. Il est arrivé dans l’Armée de l’air en 2006. Le temps qu’il soit bien pris en main par les pilotes et rendu opérationnel en opération. Tout le monde se rend compte que c’est non seulement un excellent avion, mais c’est sûrement le meilleur de cette catégorie d’avions capables de tout faire. C’est reconnu à présent et ce, de manière internationale. C’est donc le moment du Rafale parce que c’est un avion tout à fait adéquat pour un certain nombre de pays, en particulier pour les pays alliés de la France.
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Pour ce contrat, avec les Émirats, quel a été le déclic ?
Comme toujours c’est un déclic politique et donc stratégique. Cela représente une relation du plus haut niveau entre les deux pays et qui permet également des discussions au niveau des industriels avec les autorités émiriennes, ainsi qu’une très bonne relation entre les deux armées de l’air. C’est une conjonction des astres qui fait qu’aujourd’hui on a cet excellent résultat. Je rajoute que le track-record industriel de Dassault et de ses partenaires, a toujours été bon dans ce pays-là, particulièrement depuis l’arrivée du Mirage 2000-9 qui a été reconnu comme un très bon avion par les Émiriens.
Les négociations ont-elles été longues ?
Ce ne sont pas des négociations en réalité mais des propositions, des présentations. Surtout que la « négociation » n’a démarré qu’en début de cette année.
Avez-vous dû faire un effort sur le prix des 16 milliards d’euros pour ce contrat ?
Le prix est communiqué globalement par le client, ce n’est pas nous qui communiquons. Bien sûr que l’on a dû faire faire des efforts, des efforts importants. Mais on est dans un avion qui sera livré en 2027 pour des livraisons qui iront jusqu’en 2031, avec un standard qui sera celui des avions français de demain, c’est-à-dire au standard F4.
Une alliance stratégique entre la France et les Emirats Arabes unis
Où vont-être fabriqués ces 80 Rafale ?
Ils seront fabriqués 100% en France. Que ce soit Dassault et ses grands partenaires comme Thales et Safran ou les 400 entreprises, PME pour la plupart, qui contribuent au sein des territoires français, à la fabrication de cet avion.
Pour combien de temps cela va-t-il occuper vos usines ?
Cela représente du travail pour les 10 ans à venir et quelques milliers d’emplois à peu près.
Quel sera l’impact pour les autres contrats en cours ?
Aucun. On va augmenter la cadence de production. On va devoir repasser à une cadence de production de 2 par mois car ce sont des avions qui viennent après la livraison de l’ensemble des contrats que l’on a aujourd’hui. Cela permet donc de lisser sur du long terme les livraisons de Rafales.
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Au-delà d’un contrat commercial, ce qui est scellé avec cette vente, est-ce une alliance stratégique ?
Je pense qu’elle existe déjà depuis un certain temps. Elle est renforcée par une relation de grande confiance entre le président de la République et son homologue ici, qui est le prince héritier.
Est-ce que l’on pourrait qualifier cela de votre « contrat du siècle » à vous ?
C’est certain car c’est le plus gros contrat jamais signé par Dassault. Et c’est sûrement l’un des plus gros contrats signés par la France de manière générale.
Au vu des montants, est-ce que vous avez toutes les garanties en cas de revirement du côté du client ?
Oui, il y a toujours un certain nombre de garanties. C’est-à-dire que vous êtes garantis sur ce que vous avez déjà fabriqué. Et puis au fur et à mesure que vous livrez, la garantie s’en va. En revanche, c’est un pays avec lequel nous avons une alliance depuis les années 1970 donc il n’y a pas de risque particulier.
François Geffrier