Pénurie : Faute de CO2, la production d’eau gazeuse est-elle menacée ?

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L’eau gazeuse est en train de se rarifier. Comme nous le montre l’arrêt temporaire d’une usine italienne incapable de se fournir en CO2 afin de produire ses bouteilles. Cette crise est une conséquence directe de la guerre en Ukraine, notamment parce que la Russie est l’un des principaux fournisseurs d’engrais nécessaire à la fabrication de l’eau pétillante.

Une usine qui produisait 1,5 milliard de bouteilles chaque année à l’arrêt

Après l’huile de tournesol ou la moutarde, on risque une pénurie d’eau gazeuse. On espère que cette affirmation ne déclenchera pas une ruée au rayon Badoit, Perrier ou Quézac, dans la moindre supérette de France surtout un jour de canicule où l’on va chercher à s’hydrater. D’ailleurs, si cela peut rassurer, le risque est pour l’instant surtout chez nos voisins italiens. En effet, le journal L’Opinion du 13 juin révèle ce qui est en train de se passer chez Sant’Anna, une entreprise du Piémont qui produit 1,5 milliard de bouteilles chaque année sur ses chaînes d’assemblage à Cuneo, petite ville située entre Turin, Gênes et Nice. L’usine est l’un des plus gros producteurs européens, et pourtant elle a été mise à l’arrêt début juillet. L’eau gazeuse ou la « frizzante » comme on l’appelle localement, est donc temporairement en péril. De plus, la pénurie risque de toucher tout le secteur des boissons pétillantes. Le problème n’est pas le manque d’eau mais bien l’indisponibilité du produit qui crée ces petites bulles. L’article de L’Opinion explique parfaitement le jeu de dominos qui est en train de se produire dans l’industrie.

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En effet, on a parlé récemment des tensions sur la production d’engrais. Nos agriculteurs sont inquiets, et cela rajoute encore aux craintes alimentaires pour beaucoup de pays importateurs comme en Afrique. La guerre en Ukraine a fait flamber les prix. Ils ont été multipliés par 4 en un an. D’abord parce que la Russie est le premier exportateur mondial d’engrais azotés, et puis parce qu’en dehors de la Russie, les usines qui produisent de l’engrais fonctionnent souvent au gaz dont les cours ont explosé. Sauf que, sans vouloir faire de la physique de collège, la production d’eau gazeuse est liée, indirectement à celle des engrais. En faisant une recombinaison de l’ammoniac du gaz naturel à l’azote de l’air, on peut produire du CO2 industriel, du dioxyde de carbone. C’est ce CO2 qui est injecté, dans les boissons gazeuses de toutes sortes pour les faire pétiller. C’est de ce CO2 dont nous manquons.

 

70% du CO2 est utilisés dans l’agroalimentaire

C’est difficile à croire mais on manque bien de CO2, alors qu’on cherche partout à s’en débarrasser. En effet, on n’en veut plus à la sortie des pots d’échappement des voitures, ni à la cheminée des usines ou des centrales à charbon, et encore moins dans nos chaudières à la maison. En revanche, on continue d’en boire, avec plaisir et à pleine goulées. On paye pour absorber du C02 dès qu’on décapsule une bouteille d’eau pétillante ou qu’on ouvre une canette de soda. Cela n’est pas près de s’arrêter. L’Europe est un marché à 1,1 million de tonnes de C02 industriel, à 70% utilisés dans l’agroalimentaire, et on s’attend à ce qu’il croisse de 50% d’ici 2050. En Italie, on cherche donc des alternatives, par les méthaniseurs ou les effluents des bovins. Des procédés qui donnent tout de suite moins envie de se désaltérer. On espère pouvoir un jour capter du CO2 dans l’air. En attendant, afin de vous rassurer, sachez que la journaliste Emmanuelle Ducros a interrogé la Fédération boissons rafraîchissantes de France : « nous avons bien eu des tensions en mai, mais c’est rentré dans l’ordre, pas de pénurie pour l’heure ».

François Geffrier

Ecoutez François Geffrier (à partir de 6’20) : 

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