La guerre en Ukraine contraint l’Union européenne à revoir ses priorités agricoles

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L’Europe commence à s’interroger sur l’avenir de la Politique Agricole Commune, notre politique européenne la plus emblématique. C’est le principal budget européen et c’est une vraie réussite, puisque en 60 ans elle a nous a permis d’atteindre deux objectifs. La première version de la PAC cherchait à rendre l’Europe auto-suffisante sur le plan agroalimentaire. La deuxième version a eu pour objectif de rendre notre agriculture plus compétitive pour qu’on exporte plus et qu’on puisse baisser les subventions.

L’Europe est la première puissance exportatrice agricole du monde

Avec la nouvelle PAC qui nous projette à 2030 on voulait changer de priorité : l’objectif n’est plus de produire plus, mais de produire mieux. On vise le qualitatif, plus que le quantitatif. On veut réduire nos émissions de gaz à effet de serre, passer de 10 à 25% des terres consacrées au bio, on veut réduire de 20% l’utilisation des engrais et de 50% celle des pesticides. Mais ça, c’était avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine. La Russie et l’Ukraine représentent un tiers des exportations mondiales de blé, et l’Ukraine est un énorme producteur d’engrais. Avec cette crise, nous nous sommes rendus compte de notre vulnérabilité.

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On a de quoi manger en Europe mais d’autres pays, en particulier de l’autre côté de la Méditerranée, vont manquer de céréales ou vont avoir du mal à se nourrir car les prix grimpent en flèche. Du coup, cela interpelle l’Europe. Il y a bien sûr l’urgence climatique qui nous oblige à prendre des mesures à long terme pour l’environnement, mais à court terme peut-on se permettre de produire moins et plus cher ? On fait preuve d’une forme de naïveté ou d’angélisme. L’Europe est la première puissance exportatrice agricole du monde et si demain elle devient importatrice, plus qu’exportatrice, elle va déstabiliser l’agroalimentaire au niveau mondial.

 

La Terre va compter 10 milliards d’êtres humains dans les 30 prochaines années

Dans l’urgence on va sans doute renoncer à mettre certaines terres en jachère. A moyen terme on va sans doute produire un peu plus. Mais à plus long terme, il faut que l’on s’interroge sur cette « PAC verte ». On a tendance en Europe à penser qu’il suffit d’agir sur l’offre pour que la demande s’adapte. Mais on prend le problème à l’envers. On peut bien sûr manger moins de viande, diversifier nos sources de protéines, moins gâcher de nourriture… On peut se dire que la science va faire des progrès et que l’on va pouvoir produire plus en polluant moins. Mais tant qu’on ne l’a pas fait, il faut être pragmatique. On va sans doute passer de 8 à 10 milliards d’êtres humains dans les 30 années qui viennent. Si l’agriculture mondiale prenait le même virage que l’Europe, on serait incapable de nourrir tout le monde. Ce que les événements actuels nous montrent, c’est que ce serait à la fois égoïste et pas réaliste. Les paysans vous le disent : « il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs ». Et là, c’est ce qu’on a fait en pensant qu’on allait vivre dans un monde de paix et de ressources illimitées, on voit bien que ce n’est pas le cas.

David Barroux

 

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