A l’occasion de vos soixante ans paraissent plusieurs disques de " Yo-Yo Ma, le plus grand violoncelliste depuis Rostropovitch ".
Stop ! Cela ne veut rien dire. C’est de la pub !
Tout de même ! Vous avez enregistré une centaine d’albums. Certains, comme vos deux versions des Suites de Bach, sont des modèles pour les jeunes violoncellistes. Cela donne une certaine responsabilité, non ?
Dans le tennis, il existe un classement. On sait où en est Roger Federer, par exemple. Dans la culture, c’est autre chose. On peut avoir une bonne maîtrise dans l’expression des idées ou des sentiments, mais de là à faire des classements… c’est simplement impossible, car on est tout le temps à mi-chemin du personnel et de l’universel. La culture, cela ne débute jamais avec soi. C’est comme un grand bâtiment que nous avons à entretenir et à construire, brique après brique. Tout ce que l’on découvre peut et doit être repris par d’autres. Dans la musique en particulier. Les grands violoncellistes du XXe siècle, Casals, Rostropovitch, Du Pré et d’autres, sont très intéressants à suivre. Pour nous autres, qui venons après, il est difficile de trouver un chemin personnel, valable.
Considérez-vous vos disques comme inutiles ?
Non. Mais je ne me définis pas par rapport à eux. Aujourd’hui, compte tenu de mon âge et de l’état du monde, je me sens avant tout un éducateur.
Quel est le rôle d’un professeur ?
Poser de petites graines. Et voir quelles fleurs peuvent pousser et où. Tout le monde a fait cette expérience, lire un livre à quinze ans, puis à trente et cinquante : le texte n’est plus le même car nous changeons tout le temps. Je vis dans le même espace que les jeunes mais leur monde est différent de celui que j’ai connu à leur âge. On est proches mais en même temps, nous devons trouver des moyens de communication, des perspectives communes. Avec l’expérience, j’ai des choses à partager. Cela vaut la peine d’essayer, sans jamais forcer.
Dans votre carrière, quelle direction avez-vous suivie ?
J’ai toujours été à la recherche de collaborations car mon énergie créative vient toujours des rencontres que je peux faire, des individus.
Quelle est votre dernière découverte musicale ?
Je suis en train de travailler avec des amis, notamment le contrebassiste et compositeur Edgar Meyer, à un moyen de jouer, de transcrire pour cordes, avec une mandoline, les oeuvres pour orgue de Bach. Comment se priver de tels chefs-d’oeuvre? J’adore l’orgue mais je joue du violoncelle… Je viens aussi de jouer en trio avec Leonidas Kavakos et Emmanuel Ax. C’était une première avec Leonidas. Je n’avais pas vécu une telle communication avec un violoniste depuis la mort d’Isaac Stern…
YO-YO MA« Des choses à partager »
Radio Classique
Le grand violoncelliste vient de lancer la saison à la Philharmonie de Paris. L'occasion de répondre aux questions de "Classica".