Cinquante CD, vingt-six récitals qui sont autant de chocs. Cet ensemble de captations publiques inédites réunit, dans un boîtier de format disque microsillons, cinquante pochettes soignées et un livre magnifiquement illustré de cent pages. Elles proposent entre autres un entretien très instructif avec le producteur Thomas Frost qui ne ménage pas l’entourage proche d’Horowitz.
Les amateurs d’écoutes en aveugle seront comblés : ils pourront comparer, sans exclure les gravures studio et le coffret " Live at Carnegie Hall " paru l’an passé, quinze fois Die Träumerei de Schumann, onze fois la Sonate n° 2 de Rachmaninov, sept fois la Barcarolle de Chopin, etc. Les prises proviennent en effet de tournées, effectuées sur la côte Est et quelquefois jusqu’à Chicago, et additionnent ainsi des récitals parfois très voisins. Seule exception : un concert au Royal Festival Hall de Londres en 1982. Malgré des origines diverses, les prises de son préservent non seulement l’impact si particulier du jeu mais aussi l’atmosphère des salles car les programmes sont restitués dans leur intégralité. Les amateurs savent que certaines soirées se retrouvent parfois sur Internet, comme le fameux Concerto pour piano n° 3 de Rachmaninov avec l’Orchestre philharmonique de New York et Zubin Mehta, à l’Avery Fisher Hall, le 24 septembre 1978… ou bien celui, à la Maison Blanche, le 26 février 1978, devant Jimmy Carter.
Cette qualité sonore permet d’apprécier l’étonnante diversité des interprétations. Une sonate de Rachmaninov, d’une projection sonore et d’une maîtrise technique hors du commun, peut ainsi en côtoyer une autre, moins éblouissante.
Un matériau brut
La fatigue, peut-être (Horowitz se programmait plus souvent à 4 heures de l’après-midi qu’en soirée !), l’ordre du programme certainement, Rachmaninov faisant suite à des sonates de Scarlatti, une ballade de Chopin, les Scènes d’enfants de Schumann… Pour autant, ces interprétations apparaissent comme les plus passionnantes. En effet, on sent qu’Horowitz lutte contre lui-même comme dans une forme de dépression. Une série de notes à côté, un trait qui claque trop violemment et Horowitz reprend nerveusement la barre. L’orgueil, la volonté d’imposer une oeuvre qu’il a arrangée et éditée (avec l’accord de Rachmaninov) et le flot sonore s’ordonne à nouveau. Cela, on ne l’entendait pas auparavant dans les éditions antérieures parues chez RCA, visiblement nettoyées. Ici, le matériau sonore est brut !
Certains après-midi sont plus extraordinaires que d’autres. Le jeu est décontracté et nous entendons des préludes de Rachmaninov, des Étincelles de Moszkovski, des études de Chopin, le compositeur le plus enregistré, d’une légèreté et d’une netteté grisantes. Plus le risque est grand, plus il est assumé, moins la pédale forte est mise !
Dans le livret, Thomas Frost évoque aussi le réglage des pianos : " Les dernières années, il se souciait moins d’une exactitude à cent pour cent. Je ne veux pas dire qu’il était prêt à laisser passer de véritables erreurs, mais si une touche restait muette dans un passage délicat, il ne s’en inquiétait pas. "
Ces programmes, qui paraîtraient absurdes aujourd’hui, recèlent des surprises notables. Qui ose, en effet le Concerto sans orchestre de Schumann, des pièces de Clémenti (Horowitz fut, au piano, le grand promoteur de son oeuvre au XXe siècle) ? Un coffret monumental.
Vladimir Horowitz : dix-sept ans de « live »
Radio Classique
Cette somme de 50 CD publiée par Sony Classical réunit dix-sept années consécutives de concerts. Au fil des oeuvres enregistrées, Au fil des oeuvres pour certaines de multiples fois, c'est l'occasion de découvrir l'étonnante diversité de jeu du virtuose.