Alors qu’elle va donner un récital mercredi 25 mai à la Philharmonie de Paris, Anna Netrebko s’est confiée au journal Le Monde. Dans cet entretien, la soprano russo-autrichienne fait le point sur sa carrière bouleversée par la pandémie de Covid-19 et, surtout, par l’intervention russe en Ukraine.
Anna Netrebko estime qu’elle ne peut pas prendre position contre Vladimir Poutine
À 50 ans, la carrière d’Anna Netrebko a été sévèrement chamboulée depuis deux ans. Contaminée deux fois à la Covid-19, la grande chanteuse russo-autrichienne a même souffert d’une pneumonie qui l’a privée de sa voix à l‘automne 2020. Un an plus tard c’est une opération à l’épaule qui la contraignit à faire une pause de plusieurs semaines et à renoncer à une prise du rôle d’Abigaille dans Nabucco de Giuseppe Verdi à Vienne.
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Mais sa plus grande épreuve, Anna Netrebko la vit depuis le début de la guerre en Ukraine. Malgré ses premières déclarations condamnant l’intervention russe puis une mise au point dans laquelle elle précisait qu’elle n’est liée à aucun dirigeant russe, la chanteuse s’est vue mise à l’écart par de grandes institutions, notamment le Met Opera dont le directeur général exige qu’elle prenne publiquement position contre Vladimir Poutine. Requête à laquelle Anna Netrebko ne veut pas souscrire car, comme elle l’indique dans Le Monde, « j’ai un passeport russe, c’est encore le président, et je ne peux prononcer publiquement ces mots. J’ai donc refusé ».
Anna Netrebko : « Je ne suis pas coupable. Je ne suis coupable de rien ! »
Une disgrâce auprès de la grande maison new-yorkaise qui pourrait durer jusqu’à 2026 et qui désole Anna Netrebko. « On ne peut pas dénoncer l’intégralité de mes contrats à venir juste parce qu’on juge que je suis trop proche de Poutine (…) Je ne suis pas coupable. Je ne suis coupable de rien ! » s’exclame-t-elle alors qu’en Russie, depuis ses messages de contrition, elle a été désignée comme « traître à sa patrie » par le président de la Douma et y a été déprogrammée par certaines salles. « Je m’attendais à un peu plus de compréhension de la part de mes compatriotes. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ont interprété mes paroles comme un reniement de mon identité russe, ce qui n’est pas le cas » se défend la chanteuse qui, malgré tout, réitère son soutien à Valery Gergiev, le chef d’orchestre, proche du pouvoir russe, qui l’a révélée à Saint-Pétersbourg . «Malgré ce qui s’est passé récemment, il reste mon ami », affirme-t-elle. « Je l’apprécie et le soutiendrai quoi qu’il arrive ».
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Heureusement pour elle, l’Europe (excepté le Bayerische Staatsoper qui l’a également déprogrammée) lui a permis de retrouver rapidement son public. Alors qu’elle ne devait remonter sur scène qu’en mai, Anna Netrebko a été invitée par l’Opéra de Monte-Carlo le 22 avril pour interpréter Manon Lescaut de Giacomo Puccini aux côtés de son mari, Yusif Eyvazov. Ce mercredi elle donnera un récital à la Philharmonie de Paris avec la mezzo-soprano Elena Maximova, le violoniste Giovanni Andrea Zanon et le pianiste Malcolm Martineau. Anna Netrebko qui souhaite à l’avenir « chanter aussi des œuvres plus légères, bénéfiques pour ma voix et réconfortantes pour le public ».
Philippe Gault