A 80 ans, Riccardo Muti n’est pas homme à renier ses convictions et à mâcher ses mots. Alors qu’il dirigeait en juin 2022 Un bal masqué à Chicago, le chef italien s’est refusé à modifier un passage de l’œuvre de Verdi, qui contient des références supposées raciales, estimant qu’il faut « respecter les compositeurs et rejeter les révisionnistes ».
Selon Riccardo Muti, Verdi souhaitait ridiculiser le racisme d’un personnage
Dans Un ballo in marchera (Un bal masqué), opéra en trois actes de Giuseppe Verdi créé en 1859, un juge profère une insulte raciste envers Ulrica, une diseuse de bonne aventure noire accusée de sorcellerie : « dell’immondo sangue de’ negri » (du sang impur des nègres). Une phrase qui passe mal aujourd’hui surtout au pays de la cancel culture et principalement à Chicago dont la maire démocrate Lori Lightfoot avait notamment refusé de répondre en 2021 à des journalistes blancs.
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Malgré la pression de certaines autorités et même de musiciens au sein de l’orchestre du Chicago Symphony Orchestra (CSO), Riccardo Muti s’est refusé à retirer ou adapter ce passage sensible. Le chef d’orchestre italien a précisé avoir engagé trois chanteurs afro-américains dans cette production, dont le fameux juge et qu’à travers ce passage Verdi souhaite « ridiculiser le racisme, la cruauté et l’ignorance du personnage ».
Riccardo Muti : « À quelques exceptions près, les jeunes metteurs en scène détruisent l’opéra »
Interrogé par le quotidien italien Corriere della Serra sur la question de la revisite des œuvres classiques au regard de l’approche politiquement correcte très vive aux Etats-Unis, où Riccardo Muti dirige depuis 2010 le CSO (jusqu’à 2023), le maestro italien a répondu : « je suis opposé aux institutions qui maquillent et changent les paroles des livrets. On ne peut pas changer l’histoire, il faut la garder dans son essence, pour le meilleur ou pour le pire, afin que les générations futures puissent savoir ».
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Riccardo Muti est très remonté également contre les jeunes metteurs en scène. « Le problème aujourd’hui, c’est que ces opéras sont souvent entre les mains de metteurs en scène qui, à quelques exceptions près, détruisent l’opéra » a-t-il déclaré à Associated Press, ajoutant : « la plupart d’entre eux ne lisent pas la musique. Certains sont complètement sourds ! ».
Philippe Gault