« Mississippi solo » d’Eddy Harris est paru chez Liana Levi. Ne me demandez pas pourquoi, mais il aura fallu plus de trente ans pour que paraisse en français un merveilleux livre qu’il est impératif de découvrir si on s’intéresse un tant soit peu à la nation américaine.
Eddy Harris est diplômé de Stanford
« Mississippi solo » raconte un voyage en canoë de 4000 kms, de la source du grand fleuve dans le Minnesota, jusqu’à son embouchure à la Nouvelle Orléans. Au Nord, la très grande nature sauvage et fort peu de Noirs. Au sud, un fleuve canalisé, encombré de barges géantes et profusion de Noirs. Eddy Harris, jeune diplômé de Stanford et très Noir lui-même n’a jamais eu peur du ridicule et ne craint pas l’échec. « J’ai donc décidé de descendre le Mississippi en canoë et de découvrir de quel bois j’étais fait » dit-il. Résultat : un livre d’aventure à tous points de vue exceptionnel.
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D’abord parce que le Mississippi est un fleuve hors du commun, déjà célébré en son temps par le grand Mark Twain. Il charrie toute l’histoire des Etats-Unis. « Il est accablé des fardeaux de la Nation » écrit Harris, qui a grandi sur ses berges à St Louis. « Enfant, je craignais le fleuve et le respectais plus que je ne craignais Dieu. Adulte, je le crains davantage encore ». La description de ses beautés et de ses violences est absolument formidable.
L’Amérique de Reagan était-elle moins raciste que celle de Trump ?
Par ailleurs on pouvait craindre un long lamento du pagayiste noir en butte à la méchanceté des blancs. Tout faux. Pendant ses deux mois de descente du Mississippi, Eddy Harris a fait une seule mauvaise rencontre. Toutes les autres, une bière partagée, un repas, une discussion, un abri ou un simple salut de loin, ne lui laissent que des bons souvenirs. Est-ce à dire que l’Amérique de Reagan était moins raciste que celle de Trump ? Ce serait aller vite en besogne… Néanmoins, on sort de ce « Mississippi solo » étrangement optimiste, sur la nature humaine et sur l’état profond de l’Amérique que l’on aime. Reconnaissez avec moi qu’en ces temps sinistres, ça n’a pas de prix.
Bernard Poirette