Written on Skin de George Benjamin

Voici le chef-d’œuvre d’un compositeur parvenu à maturité qui peint l’une des plus admirables fresques sur l’amour qui font l’histoire de la musique.

La création, l’été 2012, a suscité un tsunami d’admiration : chef-d’œuvre ! S’y confronter au théâtre (après Aix, ici capté, Toulouse, Amsterdam, Londres, Vienne, Munich l’ont permis en moins d’un an, demain Bonn et l’Opéra-Comique suivront…) reste une expérience d’une intensité jubilatoire autant que chargée d’émotions. Tout ici est envoûtant : le sujet, viscéralement médiéval, scabreux pres­que (la vengeance brutale d’un époux qui donne à manger à sa femme le cœur de son amant, achevant de lui ouvrir enfin le chemin de la révolte assumée et de la mort choisie) qui est digne des meilleures intrigues du genre lyrique. Sa ­subtile traduction du livret par Martin Crimp, qui fait jeu de mystère et d’érotisme mêlés d’horreur dans le vertige d’espaces-temps presque abstraits entrecroisés. Sa cristallisation musicale ensuite, d’une beauté incandescente, faite de murmures et d’excès d’harmonies et d’un rapport à la voix d’une perfection absolue, qui est l’une des plus admirables fresques sur l’amour qu’on puisse désormais entendre au répertoire. Leur traduction enfin, par une équipe fabuleuse – Benjamin ayant écrit pour chacun, du Mahler Chamber qu’il connaît bien aux solistes majuscules (le faramineux Purves, l’indicible Mehta, la sidérante Hannigan), en deux ans d’un travail d’écoute, de rencontre, de sublimation – qui s’est livrée à la houlette invisible d’une des grandes de la scène d’aujourd’hui, Katie Mitchell – pour le revoir, on attendra le DVD ArtHaus, capté à Londres – et à la baguette d’un chef/auteur admirablement sensitif, tout cela s’inscrit dans la lignée des grands moments qui font l’histoire de la musique. Le témoin est indispensable. On en oublierait, en complément – comme pour respirer – la diversité arachnéenne de Duet, capté quelques jours plus tard avec son dédicataire, pour montrer la virtuosité stylistique d’un très grand compositeur, et que ses interprètes subjugués ne peuvent que magnifier.
George Benjamin
(né en 1960)Written on Skin. Duet pour piano et orchestre*
Christopher Purves (Le Pro­tecteur), Barbara Hanningan (Agnès, son épouse), Bejun Mehta (Ange 1/Le Garçon), Rebecca Jo Loeb (Ange 2/ Marie), Allan Clayton (Ange 3/ John), Mahler Chamber Orchestra, dir. George Benjamin. Pierre-Laurent Aimard (piano)*
Nimbus Records 2 CD NI58856 (Distrart). 2012. 1 h 30′ + 12’*
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