ROJDESTVENSKI DANS LES PAS DE PROKOFIEV

Malgré la notoriété de Roméo et Juliette, les ballets de Prokofiev ne possèdent pas la réputation de ses sonates, de ses concertos ni de ses symphonies. C’est bien dommage. Si La Fleur de pierre op. 118, créée en 1954, compte effectivement parmi ses oeuvres soviétiques les moins inspirées, le reste du corpus se montre d’un intérêt évident. On y trouve trois partitions des débuts, composées pour les Ballets russes de Diaghilev : Chout (en français " L’histoire du bouffon qui en berna sept autres ", 1915-1921), Le Pas d’acier (1925) et Le Fils prodigue (1929). Les deux premières exaltent le style constructiviste tonitruant du premier Prokofiev tandis que la troisième annonce déjà le lyrisme plus classique développé dans Sur le Borysthène (1930), Roméo et Juliette (1935) et Cendrillon (1945). Guennadi Rojdestvenski est le seul chef à avoir enregistré les sept ballets, à chaque fois dans leur version intégrale et non dans les suites prévues par Prokofiev pour le concert. Avec trois orchestres différents et pendant plusieurs décennies, de 1959, en mono, avec Roméo et Juliette au Bolchoï, à 1990 avec Le Pas d’acier et l’Orchestre symphonique du ministère de la Culture d’URSS, ses interprétations sont d’une grande constance. Et bien remasterisées. Contrastées, véhémentes, aussi russes que possible, elles exaltent la veine théâtrale et souvent ironique des partitions. Ce coffret apparaît donc de plein droit historique, d’autant que Guennadi Rojdestvenski ne possède aucun concurrent soviétique en ce domaine. Les amateurs de beau son se tourneront avec confiance vers Neeme Järvi (Chandos) pour les " petits " ballets, vers Gergiev (Philips) et Maazel (Decca) pour Roméo. Mais il serait dommage de ne pas tenter l’expérience Rojdestvenski. En complément du coffret, on trouve un livret (russe et anglais) et le fameux témoignage du compositeur dans la Suite n° 2 de Roméo et Juliette avec le Philharmonique de Moscou en 1938.