RAN JIA TROUVE LES CLEFS DU TEMPS SCHUBERTIEN

Deux splendides lectures schubertiennes par la jeune pianiste chinoise. Une interprétation au niveau des Kempff, Lupu et Richter. À suivre !

Disciple de Gary Graffman – quel jeune pianiste asiatique ne l’a pas été ces dernières années aux États-Unis ? -, la pianiste chinoise Ran Jia nous offre deux splendides lectures schubertiennes.
On imagine difficilement que des artistes si jeunes puissent dominer avec une sensibilité et une intelligence telles une oeuvre aussi complexe que la dernière Sonate en si bémol majeur. Il faut avoir vécu. En principe. Ici, non seulement, la construction se révèle immules parable dans l’enchevêtrement des climats nés des deux thèmes introductifs mais, surtout, nous entendons une véritable interprétation.
Ran Jia sait faire " dialoguer ses personnages " imaginaires. Elle possède les clefs du " temps schubertien ". Cette version n’est pas uniquement belle (Andante sostenuto) : elle est profondément sincère et émouvante. La Sonate, ce Winterreise du piano puisant dans les timbres rauques du clavier, n’est pas uniquement composé de bribes, de forisciple elliptiques. Sous les doigts de Ran Jia, il s’organise avec un souffle crédible. L’obsédant Scherzo qui oscille entre le divertissement et l’expression d’une forme de schizophrénie s’offre avec une hauteur de vue rare. Quant au finale, avec ses changements d’attaques, son sol tenu et si terrifiant, il nous laisse l’arrière-goût du sang dans la bouche.
Nous sommes ici au niveau des Kempff, Lupu et Richter, c’est tout dire. L’esprit du lied qui porte la Sonate en lamajeur se teinte encore de l’enivrement mozartien. Une petite musique de nuit…
L’Andante, faussement enfantin, se colore de teintes pastel.Nulle mièvrerie et encore moins de sécheresse : impossible de prendre en défaut la conception de l’interprète. Le finale est tout aussi prenant. Rien de décoratif dans le jeu de Ran Jia qui divertit non par l’absence d’idées