LE FEU AU LAC

Si le spectacle n'a rien de révolutionnaire, l'équipe de chanteurs fait la fête au roi Rossini.

Cinq très bons chanteurs (dont deux superstars) dans un ouvrage qui veut du panache, et qui en ont, on ne va pas se plaindre! Cette Donna del lago du Met triomphera. Elle est mise en scène sans chichis, imagerie de guerre civile, bord du lac, crépuscules, tartans. Les personnages sont de carton-pâte, mais vêtus non sans naturel, dans une sorte de stylisation simplificatrice pas mal venue; et les conflits rendus aussi explicites et intéressants que Rossini (et d’abord Walter Scott) ont prévu. Ils ont des choses mirifiques à chanter, et s’y donnent avec une générosité mirifique, c’est l’essentiel. L’orchestre du Met est superbe, ses choeurs aussi. D’où, alors, notre imperceptible réserve ? Ces coloris de paysage sonore et sentimental, ces timbres instrumentaux si touchants dans leur nostalgie (le cor, la clarinette) ont donné envie à un Pollini de diriger la Donna à Pesaro; et Muti, à la Scala, en a tiré des teintes ineffables, inspirant le chant à plus d’élégie, à une qualité de mélancolie où Rossini n’est pas si loin de son contemporain Schubert (qui a tant mis de cette Donna en musique; jusqu’à son illustre Ave Maria). Est-il permis de dire qu’ici on se trouve carrément aux USA? Qu’un coloris européen s’est perdu ? Que, sans jamais chanter trop fort, trop projeté, on ne puisse pas dire qu’ici on chante jamais retenu, lumineux, intérieur?
DiDonato et Florès sont identiquement surnaturels, Osborn plus plébéien, Gradus pas mal du tout et Barcellona juste un peu épaisse du timbre, mais avec quelle fantastique vocalisation. Le chef les soutient tous fort bien, mais sans particulièrement trouver (ni sembler chercher) ce qui met cette Donna si à part dans l’oeuvre de Rossini. Fermant les yeux parfois on se dit qu’on pourrait être aussi bien dans Cenerentola…