Le premier disque de Lucas Debargue (Scarlatti, Chopin, Liszt et Ravel) fut capté dans la foulée de son entrée fracassante sur la scène internationale marquée par son quatrième prix au concours Tchaïkovski. Son deuxième album présente un programme composite tout aussi surprenant. Surprenant sur le papier, car l’écoute en révèle très vite la cohérence. Ce serait même un programme de concert particulièrement astucieux, condensant deux siècles d’histoire du contrepoint. Le style de Lucas Debargue se soumet, on le sait désormais, à la pensée narrative. Il rappelle ainsi que la
Toccata en ut mineur de Bach naît de l’improvisation, jouant de la méditation et de l’expression entre les diverses parties enchaînées. C’est dans la contrainte de la forme que se libère l’interprétation. Le jeu de Debargue devient alors original par nécessité.
La Sonate n° 7 de Beethoven s’ouvre avec la même joie et une fantaisie étonnante. Elle
devient une œuvre d’extérieur à l’instar des divertissements mozartiens, avec ses motifs obsédants et sa grandeur qui surgit en son centre vital, l’immense Largo e mesto. Debargue nous emmène bien loin, peut-être vers le dernier Brahms. Il parvient à timbrer chaque instant, y compris les silences, avant de lier le menuet qui suit à ses désirs de fugue. Enfin, rarement un finale aura paru aussi haletant avec ses surprises
à la Haydn, ses digressions sauvages. Sous les doigts du pianiste, la Sonate n° 1 de Medtner prend des allures schumaniennes, teintées de noirceur, et semble incontrôlable. Debargue en évacue le pathos. Il dénude cette musique, qui s’enivre de l’idée du deuil – singulier projet d’un Medtner d’alors 22 ans – et de la nostalgie de Tchaïkovski et de Brahms. Cette magnifique lecture enrichit celles de Marc-André Hamelin (Hyperion), Hamish Milne (CRD) et de Geoffrey Tozer (Chandos). Et ce récital confirme le formidable talent et la forte personnalité de Lucas Debargue.
Il vous faudra patienter jusqu’au 23 septembre pour vous en assurer.
La confirmation d’un talent singulier
Radio Classique
Lucas Debargue propose à nouveau un programme a priori composite dont il démontre l’unité par son jeu personnel et libre. Un artiste hors normes.