GRANDEURS DES MINIATURES

Jean-Claude Henriot révèle l'étonnante diversité de ces pièces brèves de Beethoven.

L’interprétation des Variations Diabelli par Jean-Claude Henriot avait été l’une des grandes surprises de notre écoute en aveugle (Classica n° 173). " Clarté, intelligence, séduction du toucher, sens de la narration… " caractérisent sa version. Autant de qualités que l’on retrouve dans ce programme consacré à des oeuvres peu jouées de Beethoven (exceptées les 32 Variations). Se font d’abord entendre un son racé et un jeu décontracté. Nul dilettantisme toutefois, car si chaque respiration paraît d’un naturel évident, tout a été éminemment pensé (on songe à l’approche d’un Brendel). Jean-Claude Henriot prend un risque certain, notamment dans les Bagatelles op.119, pages épurées qui peuvent rapidement devenir monotones. Il offre une variété étonnante de touchers, une indépendance parfaite des voix, tout comme dans la très mozartienne Fantaisie en sol mineur.Il sait aussi faire preuve d’humour (l’effet " boîte à musique "), qualité peu répandue chez Beethoven, qui se souvient de Haydn. Les six Bagatelles op.126 bénéficient d’un jeu fluide, faussement badin, qui accentue, paradoxalement, le sentiment de solitude et de regret. Cette conception passionne alors qu’elle est à l’opposé des versions réputées de Gulda, Richter et Kovacevich. Jean-Claude Henriot montre une fois encore qu’il est un architecte remarquable de l’univers beethovénien. Gilels et Horowitz concevaient les Variations en ut mineur comme une aventure survoltée à la dimension symphonique. Plus attaché au lyrisme et à la beauté du galbe mélodique qu’à une expression grandiose, Henriot rappelle davantage les approches d’Arrau, Lupu et Perahia. Il creuse le son avec un plaisir évident et interpelle au lieu d’imposer un monologue austère. Un très grand Beethoven par un pianiste qui mérite d’être mieux connu.