« ELEKTRA » ET LA LUMIÈRE FUT

Voici une « Elektra » comme il n’y en a plus, avec la meilleure distribution possible, et Karl Böhm dirigeant dans le style voulu par Richard Strauss.

Il faut bien en venir à réévaluer. Un bon disque lyrique, c’est quand ce qu’on entend fait qu’on voit. Oublions le metteur en scène ; les gestes dans la voix seulement. Il faut un chef qui sait y faire. Et pour une oeuvre pareille, des chanteurs à la fois géniaux, et sûrs. Cette Elektra de Richard Strauss, comme il voulut qu’elle soit, enregistrée en " live " le 16 décembre 1965 à Vienne nous donne tout, un sublime orchestre, transparent mais actif, qui propulse le chant et le sertit ; Karl Böhm dans son meilleur emploi (et sa meilleure Elektra) ; le cast idéal de Regina Resnik (un affrontement mère/fille unique d’intelligence, une intelligence virtuose), Leonie Rysanek (sa Chrysothemis suprême, ce qui n’est pas peu dire), Birgit Nilsson à 100 % de sa propre réussite dans le rôle-titre – qu’elle interprète pour la première fois – qui montre à la fois son absence de limites (vocalement c’est incroyable de facilité) et ses limites (coloration, émotion communiquée). Ajoutons un prodigieux Wolfgang Windgassen (la régie était de Wieland Wagner, ça ne se sent qu’à la simplicité, l’évidence), Eberhard Wächter Oreste noble, fragile et ému.Qui chérit Elektra aura aussi Fritz Reiner, Dimitri Mitropoulos, Herbert von Karajan ; et en protago niste si possible Inge Borkh, Christel Goltz à défaut de l’intouchable Rose Pauly. Mais on tient ici le seul sans faute d’Elektra, et du temps béni où les trois dames chantaient, ne mimaient pas.