On ne saurait rendre aux Sieben frühe de Berg meilleur service que les inscrire entre deux des cycles de lieder les plus fameux qui soient. C’est ainsi mettre en valeur leur élan vital, leur luxuriance, leur variété sonore, la miraculeuse équation réussie entre vocalité (une vocalité combien lyrique) et verbalité (et combien suggestive). Uchida y met tout ce que son piano a de couleurs et nuances, et Röschmann l’éventail entier, somptueux, de ses timbrages et estompes. Effet d’autant plus saisissant que leur Schumann est d’un effacement personnel, d’une humilité qui laissent parler l’émotion et l’évocation à nu. Le Liederkreis offre quelques miracles: de phrase dans In der Fremde, d’illumination dans Mondnacht, de neutralité objective dans Auf einer Burg, dans Zwielicht une présence palpable du mystère, partout où il en faut des intensifications sobres qui sont du grand lied. Simple séquence d’états d’âme dans Frauenliebe, aussi spontanés et justes, parfaitement économes, parfaitement prenants: cette lecture du plus ingrat, du moins payant des cycles (terminée comme sur la pointe des pieds, dans le silence, la voix comme le piano) nous offre le plus pur exemple de vérité chantée qu’on ait eu en lied depuis… Jurinac dans les mêmes Schumann. Exemplaire.
DE VOCALITÉ À VERBALITÉ
Radio Classique
Dorothea Röschmann, souvent inégale au disque, déploie dans cette interprétation exceptionnelle un somptueux éventail vocal.