A l’occasion du centenaire de la naissance du compositeur, l’Orchestre national des Pays de La Loire a réalisé un enregistrement d’oeuvres rares ou inédites tels le premier des Trois Sonnets de Jean Cassou (" Éloignezvous "), les Quatre Mélodies pour voix dans leur version orchestrale et Le Loup avec un effectif symphonique complet. Les Trois Tableaux symphoniques et La Fille du Diable sont également des premières au disque. Aussi faut-il saluer l’engagement de l’orchestre et de Pascal Rophé, son directeur musical depuis septembre 2014, et du prestigieux label suédois, garant d’un travail éditorial soigné. Installés dans le tout nouvel Auditorium Brigitte Engerer de Nantes, les musiciens bénéficient en effet d’une prise de son aérée et fine. Les conditions favorables étaient donc réunies pour cette entreprise courageuse.
Composée pour la compagnie de Roland Petit, la partition du ballet Le Loup, très narrative, inspirée par La Belle et la Bête, résonne encore des échos de la musique française de l’entre-deux-guerres alors qu’elle fut créée en 1953, c’est-à-dire entre les deux symphonies. Dans cette version, l’oeuvre paraît bien plus symphonique que chorégraphique, mettant en relief une écriture acérée. Pascal Rophé valorise avec souplesse et élégance les timbres de l’orchestre. Au lendemain de la guerre, Dutilleux signe la musique du film La Fille du Diable d’Henri Decoin. Il est amusant d’entendre, dans cette suite symphonique, une pulsation si proche des thrillers made in USA de la même époque, sans toutefois l’épaisseur straussienne des compositeurs hollywoodiens. Dutilleux recourt aux Ondes Martenot comme dans les Trois tableaux symphoniques, conçus pour une adaptation théâtrale des Hauts de Hurlevent. Cette utilisation forte de l’instrument électrique dans une musique expressive, incomparable, au sens étymologique du terme même, n’empêche pas les ombres de Ravel, Roussel, Debussy, Poulenc de glisser.
Les deux recueils vocaux sont tout aussi passionnants mais plus avant-gardistes. Les Quatre Mélodies datent du début de la guerre, les Trois Sonnets de Jean Cassou, plus tardifs, rendent hommage au résistant. On peut être fasciné par l’efficacité de l’écriture, moins, peut-être, par la voix fanée de Vincent Le Texier, par la richesse dans la décantation qui caractérise, déjà, l’écriture de Dutilleux. Une fois encore, Pascal Rophé insuffle à l’interprétation, une douce et noble gravité. Ce disque important révèle des oeuvres d’un immense compositeur tout en valorisant l’orchestre. Un travail exemplaire.
À LA RENCONTRE DU JEUNE HENRI DUTILLEUX
Radio Classique
Pascal Rophé et l'Orchestre national des Pays de la Loire proposent un disque riche en inédits et pages méconnues.