Un entretien avec John Tavener

En 1995, le compositeur accordait un entretien au Monde de la Musique

John Tavener est-il un compositeur reli­gieux ? : " Je ne peux pas sé­parer la musique de la Foi. Pour moi, composer, c’est comme prier. Ma musique est à la fois une glorifica­tion de Dieu et une pénitence, un repen­tir et, je suppose, une manière de revenir à mes origines ". Hormis un concerto pour violoncelle, The Protecting Veil (1987) et un quatuor à cordes, The Last Sleep of Virgin (1991), l’essentiel de sa musique est vocale. " Je suis très préoccupé par la voix, alors que la plupart des musiques d’aujourd’hui ne convien­nent guère à la voix humaine. Même lorsque j’imagine une partition pour l’alto de Yuri Bashmet, ou pour un violoncelle, ou une clarinette, je ne compose pas au piano, j’écris pour ma voix. C’est elle qui di­rige toute ma musique ". Des influences byzantines se retrou­vent dans plusieurs de ses partitions, en particulier dans l’Akathist of Thanksgiving en­registré réce­mment, et conçu : " comme une icône musicale ". " La musique by­zantine est difficile à lire pour un Occiden­tal, mais je l’étu­die et j’en écoute souvent. En composant, j’es­saie de recréer l’es­prit de cette musique et retrouver La Voix de la tradition qui passe à travers nous. Mais je ne veux ni imiter ni copier ce qui est ancien – ce serait mortel ! Ma mu­sique est abstraite, mais chaque note peut s’expliquer d’un point de vue non seulement musical ou mathématique, mais métaphysi­que. Elle correspond à mes racines, qui sont aussi bien grecques, que soufi ou indiennes. En allant d’une tonalité à une autre, ma musique change d’état spiri­tuel. Dans cette quête, l’homme a peut-être été le plus loin possible, en attei­gnant un sommet avec Beethoven. Après, la musique est tombée malade, jusqu’à Berg – cette pomme blette ". La re­cherche musicale, telle qu’elle fut prônée à partir des années quarante, est-elle un mo­dèle pour ce compositeur ? : " J’ai ap­précié la mu­sique de Messiaen, qui est l’un des grands compo­siteurs de ce siècle, mais je la trouve aujourd’hui trop triom­phale – elle manque d’humilité. Je préfère la " simplicité " spirituelle de la musique Soufi ‑ juste une voix et une flûte". Aujourd’hui, John Tavener exploite de plus en plus des procédés de spatialisation, comme dans Annunciation (1992) : " Ce n’est pas seulement pour des raisons acoustiques, mais aussi parce que certains instruments symbo­lisent le ciel, d’autres les anges ou encore Saint Jean. Ainsi, leur place dans l’espace répond à des lois métaphysiques. Je suis étonné que peu de musiciens actuels songent à utiliser une diffusion spatialisée de leur musique. "