UN DUO EN QUÊTE DE BEAU SON

Isabelle Faust et Alexander Melnikov rappellent la modernité des sonates de Brahms. Et redonnent de la couleur à la F.A.E. de Schumann.

De disque en disque, Isabelle Faust et Alexander Melnikov parviennent à renouveler l’écoute d’oeuvres que l’on croyait connaître. Ce n’est pas tant leur niveau purement instrumental qui subjugue, mais plutôt leur faculté à dépasser leur technique pour consacrer l’essentiel de leur travail à la matière sonore, bien au-delà de la seule quête du beau son.
Isabelle Faust joue ainsi avec le timbre de son instrument et utilise le vibrato comme un artifice sonore parmi d’autres. À un Steinway proposant un son de moins en moins personnel, Alexander Melnikov a donc privilégié son Bösendorfer de 1875 à la forte personnalité sonore. Ces artistes, ici réunis dans l’un des plus beaux duos de l’histoire du disque, nous proposent un voyage brahmsien, lyrique sans être hyper-romantique, et balaient la palette des nuances dynamiques sans tomber dans l’outrance. Ils rappellent la modernité de l’écriture polyphonique de Brahms comme son caractère libre et poète. Faust et Melnikov parviennent ainsi à trouver l’équilibre de la forme rhapsodique. On se laisse porter sans jamais se perdre. Les Sonates nos 2 et 3 se hissent au niveau de leur n° 1 : ensemble, elles constituent un des recueils les plus intéressants et les plus idiomatiques de la discographie aux côtés des plus grandes réussites : Suk et Katchen (Decca), Perlman et Barenboim (Sony), Oïstrakh et Richter (Melodiya), Cerovsek etJumppanen (Milanollo). En comparaison, les Romances op.94 de Schumann, de très haute tenue et pleines de douceur, apparaissent un rien sages, mais la Sonate F.A.E. n’a jamais été aussi bien défendue : pour la première fois, le mouvement le plus faible, signé Dietrich, reprend, grâce à Faust et Melnikov, quelques Antoine Mignon couleurs.