René Martin entre sagesse et folie

« Ce qui est fou pour l’homme est sage pour Dieu », a dit Saint-Paul. Cette phrase citée par René Martin à la fin de l’émission est un concentré de son parcours. Qui aurait pu prévoir le succès international de la Folle Journée ? A Nantes et dans le Grand Ouest, chaque année, pendant plus d’une semaine, des milliers de personnes communient en musique. Certains la découvrent pour la première fois et leur vie en est changée pour toujours.
Et le festival de La Roque d’Anthéron, cette « cathédrale de verdure », cette « Mecque du piano » !
Sans une foi de missionnaire, ce rendez-vous est inconcevable. Dans mon livre « Passion Classique » (qui vient de paraître chez Arléa), le très laïque Jérôme Deschamps le reconnaît lui-même : « Quand René Martin accompagne silencieusement les artistes sur le chemin qui va des loges à la scène du festival de La Roque d’Anthéron, il fait de la liturgie. »
Si Claudel a reçu la révélation divine en entrant à Notre-Dame, René Martin a été touché par la grâce pendant un concert de U2. Il s’est dit : « Pourquoi ne pas retrouver cet enthousiasme fervent et populaire autour des grands chefs-d’oeuvre de la musique classique et des grands interprètes qui la servent ? »
La suite, on la connaît : respect du public, amitié et confiance des artistes, génie de l’organisation et sens du moindre détail.
Comme le disait Mark Twain : « Il ne savait pas que c’était impossible, alors il l’a fait. »
J’ai été très touché d’apprendre ce matin que René Martin était venu exprès pour faire l’émission en direct. Un taxi moto l’attendait à 19 h 28 pour qu’il puisse attraper son dernier train pour Nantes à 19 h 55. Il avait apporté ses disques, au cas où on ne les aurait pas tous. Et un livre pour le voyage : « The Rest is Noise » d’Alex Ros (excellent choix).
Depuis ses débuts, René Martin n’a pas changé. Il parle avec le même feu et la même modestie. Il s’adresse de la même manière à un très grand pianiste ou à l’un de ses employés. Beaucoup de jeunes artistes lui doivent leur carrière. Mais il a toujours invité également des musiciens plus âgés, oubliés du star system, en leur témoignant sa confiance et en leur offrant le meilleur des publics. Et grâce à lui, Nantes n’est plus seulement la capitale des biscuits Lu, mais le temple de l’Entendu. A bon écouteur, salut l’artiste !
Voici son programme (il aurait fallu deux heures d’émission pour tout passer !) :

Johannes Brahms – Piano Quartet en la majeur opus 26, mouvement Poco adagio
Sviatoslav Richter et Quatuor Borodine.
Enregistré à Tours, à la Grange de Meslay.
Disque Philips
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Nina Simone – Strange fruit – Disque Verve
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Ella Fitzgerald – Russian Lullaby (The Irving Berlin Songbook Vol.1) – Disque Verve
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Ludwig Van Beethoven – Symphonie n°6 en fa majeur opus 68 « Pastorale », mouvement Andante molto moto
Orchestre Philharmonique de Munich
Sergiu Celibidache, direction
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Richard Wagner, Tannhäuser, « Wie Todesahnung… O du mein holder Abendstern »
Matthias Goerne, baryton
Swedish Radio Symphony Orchestra
Manfred Honeck, direction
Disque DECCA
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Wolfgang Amadeus Mozart, La Flûte enchantée, « O Isis und Osiris »
Franz Crass, basse
Orchestre Philharmonique de Berlin
Karl Böhm, direction
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Gustav Mahler, 5 Rückert-Lieder, « Ich bin der Welt abhanden gekommen »
Christa Ludwig, mezzo-soprano
Philharmonia Orchestra
Otto Klemperer, direction
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Richard Strauss, Wiegenlied, sur un poème de Richard Dehmel
Dame Margaret Price, soprano
Wolfgang Sawallisch, piano
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Robert Schumann, 12 Gedichte, opus 35, « Wer machte dich so krank ? » et « Alte Laute »
Matthias Goerne, baryton
Eric Schneider, piano
Disque DECCA
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Jean-Chrétien Bach, Lamento « Ach, dass ich Wassers g’nug hätte »
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Robert Schumann, Arabesque opus 18
Youri Egorov, piano
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Graduel d’Aliénor de Bretagne
Kyrie : Orbis factor
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Georgij Sviridov, Tristesse des immensités
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Ernest Bloch, Prière
Les Violoncelles français
Mirare