La Passion selon Saint-Matthieu de Bach est l’Everest de la musique sacrée baroque.
Une tragédie en cinq actes
La Passion selon Saint Jean et celle selon Saint Matthieu sont les seules passions de Jean-Sébastien Bach qui nous soient parvenues. D’une grande intensité, elles traduisent à merveille l’émotion du croyant face aux souffrances du Christ. Mais elles sont aussi empreintes d’une théâtralité qui rappelle que l’oratorio remplace à l’époque l’opéra pendant le temps du Carême. « S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu », écrit Cioran. C’est particulièrement le cas de la Passion selon saint Matthieu. Une œuvre monumentale, quintessentielle. Comme pour d’autres musiques sacrées d’envergure, Bach puise dans ses partitions antérieures pour constituer le matériau de son grand œuvre – ce qu’on appellerait aujourd’hui un best of : ainsi du célèbre Erbarme Dich, dont le thème, déjà esquissé dans des pièces profanes et des cantates, prend ici sa forme la plus aboutie pour illustrer les pleurs amers de Pierre après son reniement.
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Bach et Pygmalion, l’histoire d’une passion : elle relie le génial cantor à une réflexion sur le drame intérieur et la volonté constamment renouvelée. Etape majeure d’un compagnonnage de quinze ans, ce nouveau jalon témoigne de l’aboutissement de ce travail tout de précision et d’humilité. Lue à travers le prisme d’une tragédie en cinq actes à la fois intime et théâtrale, humaine et métaphysique, la Passion se révèle sous les traits d’une universalité plus saisissante que jamais. « Nous abordons la Saint-Matthieu de manière volontairement chorale, tout en y incluant les solistes eux-mêmes comme Bach le demande. Ce travail est désormais la signature de notre approche avec Pygmalion », précise dans le livret Raphaël Pichon qui a su s’entourer d’un plateau vocal d’excellence. Citons Julian Prégardien (baryton, l’Evangéliste), Sabine Devieilhe (Soprano), Lucile Richardot (alto), Reinoud van Mechelen (ténor), Stéphane Degout (basse, Jésus), Tim Mead (contre-ténor) ou Emiliano Gonzalez Toro (ténor). Une version incontournable dans la discographie déjà fort étoffée de ce chef-d’œuvre !
Jérémie Bigorie
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