« Le Château de Barbe-bleue » et « La Voix humaine » à l’Opéra Garnier

Revue de presse

Le couplage inédit de ces deux oeuvres n’est pas sans susciter d’emblée des questions. Pour André Tubeuf (L’oeil et l’écoute), "Bartók et Poulenc, leurs univers si particuliers, et si marqués, ont sans doute moins encore à se dire, à s’apporter l’un à l’autre". Christian Merlin salue au contraire "le tour de force de les relier comme deux faces d’une même médaille", un avis partagé par Pierre Gervasoni du Monde pour qui "le prologue du Château de Barbe-Bleue vaut aussi, à distance, pour La Voix humaine".

Reste la mise en scène proprement dite. Manifestement conquis, le critique du Figaro souligne que "ces deux histoires de couples qui se déchirent apparaissent en miroir inversé, reliées par les images de La Belle et la Bête de Cocteau"; "c’est un peu forcé, mais le lien tissé ici s’impose". "Il n’est pas sûr que l’opéra de Poulenc appelle l’hystérie et les contorsions", questionne Philippe Venturini, qui convient toutefois qu’"on ne peut qu’être impressionné par le niveau du travail accompli et bouleversé par la puissance évocatrice du " Château de Barbe-Bleue ".
Le côté gore de La Voix humaine suscite le plus de réserves, aussi bien chez Pierre Gervasoni ("on n’avait pas besoin de visualiser l’amant à la chemise ensanglantée pour saisir la portée du dérèglement mental subi par la femme aux abois") que chez André Tubeuf ("Du Lui assassiné on ne dira rien. Il ne suffisait pas qu’il fût inutile. On l’a fait en outre grimaçant et grotesque"). Quid de la distribution ? Dithyrambique, Christian Merlin voit en "John Relyea un Barbe-Bleue humain, dont la voix chaude se marie bien à celle d’Ekaterina Gubanova, débordante de sensualité malgré quelques limites dans l’aigu. Quant à Barbara Hannigan, qui porte sur ses épaules le monologue de Cocteau et Poulenc, Warlikowski fait d’elle ce qu’il veut". "Une fois de plus impressionnante de présence et d’intensité dramatique" pour Philippe Venturini, Barbara Hannigan dispense pour André Tubeuf "une hystérie très artiste certes, mais plus expressionniste qu’expressive, qui ne doit plus grand chose à Cocteau/Poulenc".
Dans la fosse, Esa-Pekka Salonen (photo) fait la quasi unanimité, qu’"il transforme sa baguette en un infaillible oscillographe des sentiments" (Venturini) ou enflamme "une sorte de feu glacé en phase avec la scène" (Merlin). Davantage circonspect, André Tubeuf le trouve "moins intéressant dans Poulenc que dans Bartók".