Les interprétations du Beaux Arts Trio nous semblent toutes marquées du sceau de l’évidence. Rien de moins évident, au départ, que l’idée de constituer un ensemble de musique de chambre entièrement voué à cette formation d’où est absent le jeu d’égos qui régit une sonate pour deux instruments comme l’altitude des dialogues que seul permet le quatuor à cordes.
Il appartenait à Menahem Pressler (piano, primus inter pares), Daniel Guilet (violon) et Bernard Greenhouse (violoncelle) de modifier la donne lors de leur premier concert en 1955. Si le pupitre des cordes a changé plusieurs fois au cours d’une carrière de plus de cinquante ans, avec notamment l’arrivée d’Isidore Cohen au violon (transfert du Quatuor Juilliard) en 1968, le niveau allait toujours rester d’excellence.
Des millésimes
En soixante CD embrassant un répertoire encyclopédique se dessine l’histoire du genre, de Haydn à Chostakovitch, en passant par Mozart, Hummel, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann, Brahms, Zemlinsky et bien d’autres, souvent enregistrés deux fois, comme dans le cas de Schubert (on retrouve donc les deux versions des trios : de 1966 — préférable — et 1984) ou de Tchaïkovski, dont le Trio est proposé dans les millésimes 1970 et 1988. Là comme dans Beethoven ou Chostakovitch, on écoutera deux enregistrements, et l’on préférera généralement le plus ancien. En prime, les Quatuors avec piano de Mozart, Brahms, Schumann et le Triple Concerto de Beethoven. D’aucuns épingleront une approche occidentalisée du postromantisme slave de Tchaïkovski ou Dvorak mais la musique française (Fauré, Chausson, Saint-Saëns) est remarquablement servie, avec un trio de Ravel d’anthologie ; et les neuf CD consacrés à Haydn, joyaux incontestables, suffiraient à immortaliser cette somme consacrée au plus grand trio avec piano de l’histoire du disque.
On se régalera aussi de trouver ici de véritables raretés ; raretés de répertoire, raretés dans la discographie des Beaux Arts. Il s’agit notamment des trios de Charles Ives, d’Erich Korngold, de Joaquin Turina ou Enrique Granados.
L’ART DU TRIO EN 60 DISQUES
Radio Classique
Une rétrospective colossale et absolument indispensable consacrée au Beaux Arts Trio.