La nouvelle intégrale Beethoven de Mariss Jansons

Ce cycle enregistré en concert au Japon et à Munich est complété par des œuvres en miroir commandées à des compositeurs de notre temps.

Ce coffret, " The Symphonies and reflections ", est à marquer d’une pierre blanche. Sur le principe, déjà, associer des commandes passées à des compositeurs d’esthétiques différentes afin d’éclairer les symphonies est un hommage remarquable. L’esprit des symphonies se transmet ainsi dans Le Testament d’Heiligenstadt de Chtchédrine, une pièce passion­nante par son élégance et son efficacité dramatique stravinskienne (Jeu de cartes et Symphonie de Psaumes en trame). Fires de Raminta Serksnyté est tout aussi prenant. L’orchestration est magnifique avec ses effets de résonances, d’alliages de timbres glacés avec l’utilisa­tion des silences et des déferlements de rythmes pulsés. Suivent L’Ouverture de Concert de Jörg Widman, aux proportions stokowskiennes, les diffractions sonores de Maniai de Johannes Maria Staud, immense vaisseau de rythmes composé de blocs sonores verticaux. Misato Mochizuki joue, dans son Intermezzo, d’emprunts très diffus aux Deuxième et Sixième Symphonies. Ce sont davantage des jeux de timbres comme on en trouve chez Varèse. Toutes les œuvres ont été captées en un seul concert et, pour la moitié d’entre elles, lors d’une tournée de l’orchestre dans le somptueux Suntory Hall de Tokyo. Cela en dit long sur la magnificence de la formation.
Le cycle des symphonies que nous entendons est d’une hauteur de vue exceptionnelle. Jansons ne cherche ni à copier des modèles du passé, ni à reproduire une vague approche allégée, ce qui serait illusoire avec un tel orchestre. Ce qui séduit en premier, c’est la puissance et la richesse des pupitres, sa signature granitique. Tout est juste et placé sous le sceau de l’évidence : l’orchestre est porté dans un mouvement permanent qui va à l’essentiel, au fond des phrases avec une élégance folle. Les prises de risques sont assumées avec des tempos contrastés, des dynamiques considérables, qui créent la sensation permanente d’une lutte épique. Pas de baisses de tensions. Pas de rupture entre les couleurs de la Première à la Neuvième Symphonie. Chaque œuvre est restituée de manière organique, minérale. C’est l’évidence même. Et malgré cette densité du trait définitive, telle une gravure sur une plaque d’acier, on est saisi par l’alternance de gravité (n° 3, n° 7) et de générosité (n° 6, n° 8). Tout Beethoven nous est donné, en opposition et en complément aux sommes de Karajan et d’Harnoncourt, avec ses conflits irrésolus, entre classicisme et romantisme, entre appel à l’Humanité et tragédie de l’ego. Un coffret absolument génial.
Ludwig vanBeethoven
(1770-1827)
" The Symphonies and reflections " : Intégrale des Symphonies.
+ Œuvres de Jörg Widman, Giya Kancheli, Raminta Serksnyté, Rodion Chtchédrine, Johannes Maria Staud, Misato Mochizuki
Christiane Karg (soprano), Mihiko Fujimura (alto), Michael Schade (ténor), Michael Volle (baryton), Chœurs et Orchestre symphonique de la Radio de Bavière, dir. Mariss Jansons
BR Klassik 6 CD 900119 (Abeille). 2008-2012. 6 h 57′
Nouveauté