Janine Jansen

La violoniste vient de publier un disque qui réunit des concertos et des sonates de Bach. Elle nous explique ce choix plutôt inhabituel.

À un programme exclusivement concertant ou de musique de chambre, vous avez préféré un mélange des deux genres, comme dans votre disque Prokofiev. Vous associez ainsi à deux concertos pour violon deux sonates pour clavecin et violon. Pourquoi ?D’une part j’ai toujours envie de présenter des combinaisons inhabituelles, comme celle des concertos de Beethoven et de Britten, et, plus simplement, j’aime particulièrement ces deux sonates. En outre je les ai enregistrées avec mon père, Jan Jansen, claveciniste et organiste, qui m’a fait écouter très tôt cette musique de Bach. Et puis nous avons parcouru ensemble le répertoire baroque, et ces sonates de Bach en particulier. Je ne m’imaginais pas entreprendre un tel projet sans l’impliquer.
L’ensemble instrumental qui vous accompagne semble également proche de vous puisque l’éditeur annonce «  Janine Jansen and friends  ». Qui sont ces amis ?
C’est un groupe d’amis avec qui je partage la musique de chambre depuis longtemps. Le premier violon est Boris Brovtsyn, qui tenait le même rang dans le disque récemment paru réunissant le Quintette de Schubert et La Nuit transfigurée de Schönberg.
Quel effectif avez-vous choisi dans les concertos ?
Trois premiers et seconds violons, deux altos, un violoncelle, une contrebasse et un clavecin. J’ai enregistré il y a quelque temps Les Quatre Saisons de Vivaldi avec un groupe limité à un instrument par partie auquel participaient déjà mon frère violoncelliste, Maarten Jansen, et mon père. Je trouvais que cela fonctionnait parfaitement et j’ai même réitéré l’expérience avec les concertos de Bach. Mais pour ce disque, j’imaginais un ensemble un peu plus fourni : il me semble toujours qu’il manque quelque chose, notamment dans les parties de violons. Nous avons cependant opté pour une configuration minimale dans le mouvement lent du Concerto en la mineur.
Quelle qu’en soit la taille, l’effectif choisi pour ce répertoire reste limité. Est-ce que cela implique une écoute différente ?
Il faut bien évidemment être sans cesse à l’écoute des autres, mais je pratique toujours la musique dans un esprit qu’on appelle «  de musique de chambre  ». Pour moi, c’est la seule façon. Il n’y a pas le soliste d’un côté et l’orchestre de l’autre mais un ensemble qui par­tage la même partition, qu’elle soit de Vivaldi, Bach ou Prokofiev.
Que vous ont apporté les interprètes spécialisés dans le répertoire baroque ?
J’ai entendu très tôt l’enregistrement de Monica Huggett et de Ton Koopman des sonates de Bach. Et j’ai eu il y a un an et demi la possibilité d’essayer un violon dit baroque. Ma première réaction a été d’aussitôt vouloir jouer et enregistrer avec cet instrument. La façon de jouer est tout simplement différente : tout le travail de la main droite, l’articulation, la pression de l’archet sur les cordes, etc. Puis j’ai tenté de recréer ces traits et ces couleurs sur mon Stradivarius tout en ayant en tête les données techniques et historiques. Pour ce disque Bach, je n’ai pas choisi un archet baroque mais un modèle quand même plus léger que celui que j’utilise d’ordinaire.
Johann Sebastian Bach : Concertos pour violon BWV 1041 et 1042, Concerto pour violon et haubois BWV 1060, Sonates pour clavecin et violon BWV 1016 et 1017.
Janine Jansen (violon), Ramón Ortega Quero (hautbois), ensemble instrumental.
Decca 4785362. ****