Poulenc tenait à ce que la voix soliste des Sept Répons des Ténèbres soit tenue par un enfant. Choix délicat qui imposait d’épurer l’interprétation, placée aux antipodes du décorum du Gloria. Le choix de Daniel Reuss est à l’opposé de cette conception. C’est une réussite magistrale. Nous sommes ici non dans l’humble prière dépouillée, mais dans l’exaltation de la foi. Le contresens – a priori – s’efface devant tant de beautés sonores. La voix chaude de Carolyn Sampson tire, elle aussi, la partition vers l’oratorio, la Passion. Nous tenons la lecture la plus luxuriante de la discographie, devant celles d’Harry Christophers et Georges Prêtre.
Achevé en 1951, le Stabat Mater rend hommage au peintre Christian Bérard. Composée à la dimension d’un requiem, mais voulue comme une prière d’intercession, l’œuvre oscille entre plusieurs formes musicales. Daniel Reuss bénéficie d’une excellente définition spatiale, ce qui lui permet d’intégrer les chœurs dans l’orchestre sans pour autant en altérer la clarté. Les chœurs supplantent ici, en termes de justesse, d’attaque et d’intonation, les versions antérieures. Enfin, les climats obtenus, à la fois interrogatifs et mystérieux, jouent de toute la palette des timbres. Tout est juste, raffiné et pourtant sans afféterie jusque dans les réminiscences fauréennes du Quae moerebat et dolebat. La complexité des sources de Poulenc nous est exposée avec une générosité qui ravit. Cette version du Stabat Mater par Daniel Reuss s’impose dans la discographie, devant Ozawa (DG), Denève (Hänssler) et Prêtre (Warner).
Francis Poulenc (1899-1963)
Sept Répons des Ténèbres. Stabat Mater
Carolyn Sampson (soprano), Cappella Amsterdam, Chœur de chambre de la Philharmonie d’Estonie, Orchestre symphonique national d’Estonie, dir. Daniel Reuss
Harmonia Mundi HMC902149.2012. 62′
Nouveauté
Daniel Reuss revisite Poulenc
Radio Classique
La beauté des timbres instrumentaux, la franchise rythmique confèrent au « Stabat Mater » de Poulenc une exaltation et une luxuriance inaccoutumées.