Beatrice Rana, nouvelle star

Harmonia Mundi USA propose les récitals de trois médaillés du dernier Concours Van Cliburn, qui se déroula en mai et juin derniers. Entre les trois finalistes, nous avons choisi – contrairement au jury – le programme de l’Italienne Béatrice Rana (médaille d’argent) à celui du vainqueur, médaille d’or, Vadym Kholodenko et du Prix " Cristal " de Sean Chen. Ce qu’apporte l’Italienne – âgée seulement de 20 ans -, c’est un supplément d’âme, une capacité stupéfiante à traduire exactement le style de l’œuvre. Elle possède le " son " des œuvres, large et conquérant dans les Études symphoniques de Schumann. Le geste est à la fois puissant mais aussi, et c’est l’essentiel, personnalisé. Elle construit pas à pas, sans effet, sans précipitation rythmique. La prise de son chaleureuse et bien définie met en valeur de très beaux legatos, une capacité à penser le discours. Gaspard de la Nuit, si bien représenté au disque, est plus magnifique encore. C’est exactement le Ravel que nous aimons, aérien et précis, cinglant et caressant. Nulle emphase, nulle intellectualisation du discours. C’est le texte, uniquement celui d’Aloysius Bertrand qui nous est donné ici. Beatrice Rana réussit l’une des plus belles versions à la fois pleine de magie et sensuelle dans laquelle le discours est sans cesse relancé. Le Gibet possède un grain superbe dans les graves, une texture rauque. Fantasmagorique, flamboyant et parfaitement juste, Scarbo ondule, percute. En plein air " battu ", scandé, totalement dans l’esprit d’une musique nocturne symphonique avec des effets de timbres réussis est tout aussi prenant. Hormis Kovacevich, Béroff et surtout Kocsis, nul interprète n’égale cette vision d’une noirceur et d’une intelligence rares.
Beatrice Rana (piano)
Schumann : Études symphoniques op. 13. Ravel : Gaspard de la Nuit. Bartók : En plein air Sz. 81
Harmonia Mundi HMU907606.2013. 62′
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